Assistaient à cette audience :
Frédéric Müller (directeur du SIEC)
Magali Oualid (chef de division du SIEC)
Marie Perret (présidente de la Régionale francilienne de l’APPEP)
Christine Marinov (vice-présidente de la Régionale francilienne de l’APPEP)
Propos introductifs
Nous remercions le SIEC d’avoir accepté notre demande d’audience. Il est utile que les services chargés de l’organisation du baccalauréat reçoivent les professeurs de philosophie pour mieux cerner les besoins liés à leurs missions. Nous rappelons que la correction n’est pas un acte administratif. Sa qualité est la garantie de la valeur d’un diplôme national correspondant au premier grade universitaire. Nous savons que l’organisation des épreuves du baccalauréat est une tâche complexe et lourde – elle l’est tout particulièrement en Île-de-France, où le nombre de candidats est très élevé. Mais nous ne pouvons nous résoudre à une situation dont pâtissent les correcteurs, mais également les candidats. En ce sens, nous souhaitons faire valoir les propositions formulées dans le rapport établi par l’APPEP à partir du questionnaire portant surla session 2017 et contribuer ainsi à l’amélioration des conditions de correction.
535 réponses au questionnaire ont été effectivement traitées en 2017, soit près du double de celles qui l’avaient été en 2016. Ce nombre est le signe que les professeurs de philosophie sont très attachés au baccalauréat. Mais ils signalent aussi, dans leurs réponses, des dysfonctionnements qui se répètent chaque année, lesquels sont particulièrement marqués dans les trois académies franciliennes. Ces dysfonctionnements génèrent des tensions nuisibles à la sérénité qui devrait présider à la correction de l’épreuve de philosophie.
Nos interlocuteurs saluent l’intérêt de ce rapport qui balaie l’intégralité d’une session à partir d’un sondage de terrain. Ils ont été sensibles à sa qualité, à la richesse des témoignages qu’il contient ainsi qu’à la pertinence des propositions formulées. Ils déplorent néanmoins la dureté des remarques portant sur le SIEC. Nous répondons que cette dureté témoigne des tensions qui ont eu lieu l’année dernière. Nous rappelons l’incident qui s’est produit dans l’académie de Paris : alors que le SIEC avait demandé à un chef de centre de répartir un lot surnuméraire entre les correcteurs deux jours après qu’ils eurent retiré leur paquet de copies, l’une des correctrices a été menacée d’un retrait sur salaire et d’une sanction administrative pour avoir exigé la régularisation de cette mission par l’établissement d’une convocation écrite. Le directeur du SIEC reconnaît que notre collègue était dans son bon droit, même s’il y aurait eu une régularisation a posteriori.
Les délais de correction
En 2017, les correcteurs de philosophie n’ont eu que neuf jours de correction1. Ils n’avaient pas pu retirer leur lot de copies avant l’après-midi du lendemain de l’épreuve. L’ancien directeur du SIEC, Vincent Goudet, avait expliqué aux représentants de la Régionale francilienne que les lots ne pouvaient être prêts avant, en raison du temps nécessaire à l’acheminement des copies et à leur préparation. Ce délai a permis à des chefs de centre de convoquer des professeurs de philosophie pour la surveillance de l’épreuve d’histoire-géographie. Or, certains correcteurs se sont aperçus que leur lot était prêt depuis le matin, voire depuis la veille. Si le SIEC n’a pas contrevenu à la note, toujours en vigueur, qui stipule que « les enseignants chargés des corrections des épreuves de philosophie sont dispensés de toute surveillance d’autres épreuves écrites, dès la remise de leur lot de copies à corriger » 2, nos collègues ont eu le sentiment que cette disposition réglementaire avait été contournée, la date et l’heure de la remise des lots ayant été artificiellement retardées pour que les correcteurs de philosophie soient mobilisables pour d’autres surveillances. Cette situation leur a paru d’autant plus inadmissible que, dans l’académie de Versailles, ils avaient déjà reçu, la veille, les « copies-test », qu’ils n’ont pas pu évaluer avant la réunion d’entente.
En 2018, le délai de correction sera le même qu’en 2017. Compte tenu de la charge de correction, ce délai est insuffisant3. Les correcteurs ont-ils au moins l’assurance de retirer leur lot de copies dès le lendemain matin de l’épreuve ?
Nos interlocuteurs répondent que la date et l’heure de retrait des lots de copies seront les mêmes que l’an passé. La raison de ce délai n’est pas de rendre les professeurs de philosophie mobilisables pour la surveillance de l’épreuve d’histoire-géographie – même si, de fait, ils le sont. Ce délai répond à une demande des représentants des personnels de direction : depuis que les candidats des séries de la voie technologique composent en même temps que ceux des séries de la voie générale, les chefs de centre ont besoin d’un temps plus long pour préparer les lots de copies. Le directeur du SIEC nous assure qu’il a recommandé aux chefs d’établissement d’éviter de convoquer pour les surveillances les professeurs de disciplines « sous tension », en particulier de philosophie. Il s’engage à renouveler cette préconisation auprès d’eux. Seuls les professeurs de l’académie de Paris seront potentiellement mobilisables pour les surveillances de l’épreuve d’histoire-géographie : les correcteurs des académies de Créteil et de Versailles seront en effet convoqués pour les réunions d’entente qui auront lieu le 19 juin, le lendemain de l’épreuve ; dans l’académie de Paris, la réunion d’entente aura lieu le 21 juin.
La charge de correction
Nous exprimons nos inquiétudes à propos de la charge de correction qui incombera aux professeurs de philosophie pour la session 2018. Elle était déjà très élevée en 2017, et le pic démographique laisse craindre cette année une augmentation du nombre de copies par correcteur. Nous rappelons les seuils qui nous paraissent raisonnables : pas plus de 100 copies en série L, 130 copies en séries ES et S, 150 copies en séries technologiques.
Nous nous étonnons des disparités qui subsistent entre les lots de copies, malgré la mise en place, depuis 2016, du système de pré-affectation de correcteurs réservistes en convocation initiale. Ce système devrait pourtant limiter, en cas de lots surnuméraires, la répartition des copies entre les correcteurs affectés dans le centre d’examen. Nous relayons, par ailleurs, le constat fait par les IA-IPR des trois académies franciliennes lors de l’audience qu’ils nous avaient accordée en mai dernier : tous les correcteurs disponibles n’avaient pas été convoqués par le SIEC.
Nos interlocuteurs nous informent que le nombre de candidats dans les trois académies franciliennes sera cette année en augmentation de 5 % pour les séries de la voie générale et de 12 % pour celles de la voie technologique. Les seuils fixés par le SIEC sont de 110 copies en série L, 135 en séries ES et S, 160 en séries technologiques. Ces seuils sont néanmoins « non contractuels ». Le SIEC nous assure que le fichier des correcteurs disponibles s’affine d’année en année, à partir de la base de données des rectorats, des informations données par les chefs d’établissement et des listes que les IA-IPR transmettent au SIEC. Cette année, tous les correcteurs disponibles devraient être convoqués, y compris les professeurs de philosophie exerçant dans le privé.
Le centre d’affectation des correcteurs
Nos collègues sont affectés dans des centres d’examen parfois très éloignés de leur domicile. Vincent Goudet avait expliqué l’année dernière que la dé-corrélation entre le domicile du correcteur et le centre d’examen dans lequel il est affecté serait désormais la règle. Nous disons notre incompréhension : pourquoi ne pas déterminer le centre d’affectation en partant non de l’établissement d’exercice, mais du domicile du correcteur ? Il serait possible de précéder selon la même méthode que celle que le logiciel du SIEC utilise, laquelle consiste à partir des élèves pour « aller chercher » les correcteurs selon des cercles concentriques.
Frédéric Müller nous confirme ce que nous avait dit son prédécesseur l’an passé. La règle qui préside à l’affectation des correcteurs en fonction de leur établissement d’exercice figure dans la circulaire sur l’organisation du baccalauréat signée par les trois recteurs. Il semble logique au SIEC de ne pas tenir compte du domicile privé, dans la mesure où les professeurs sont fonctionnaires. À cette question de principe s’ajoutent les réponses apportées aux enquêtes de satisfaction du SIEC l’année où avait expérimenté le principe d’affectation en fonction du domicile privé : les retours des correcteurs avaient été « catastrophiques ». Nous nous en étonnons.
Les centres d’examen, les délibérations et l’épreuve du second groupe
Nos collègues sont insatisfaits des conditions dans lesquelles se déroulent les délibérations : jurys pléthoriques pouvant atteindre 400 candidats (voire 700 dans un centre où il y a manifestement eu fusion de deux jurys) ; accueil déplorable de la part de certains chefs de centre ; mauvaise acoustique des salles ; conditions d’inconfort indignes d’une délibération ; dysfonctionnements informatiques retardant le début des délibérations ; manque de préparation des présidents de jury qui n’examinent pas tous les dossiers et qui ignorent parfois ce que délibérer veut dire (la mise au vote immédiate assortie d’une incitation pressante à hausser les notes est une pratique qui est loin d’être exceptionnelle). Nos collègues soulèvent aussi le problème posé par les livrets scolaires informatisés qui sont anonymés. Ils considèrent qu’il peut être utile, pour la justesse des délibérations, de connaître l’établissement du candidat. Ils se plaignent, enfin, des conditions dans lesquelles se déroulent les épreuves du second groupe. Ils regrettent des défaillances et un manque d’organisation qui affectent les correcteurs ainsi que les candidats, et qui donnent l’impression d’un laisser-aller.
Nous demandons que le nombre de candidats n’excède pas 250 par jury. Nous demandons également que la vérification de toutes les notes soit garantie.
Nos interlocuteurs nous informent qu’il y aura, pour la session 2018, 424 jurys. Le nombre moyen de candidats par jury sera de 274. Les jurys excédant 400 candidats seront exceptionnels. Nos interlocuteurs regrettent que les chefs de centre ne tiennent pas toujours compte des recommandations du SIEC sur l’accueil des correcteurs et la nécessité de leur aménager les meilleures conditions pour les délibérations ainsi que pour les épreuves du second groupe. Quant à la manière dont les délibérations sont conduites, le SIEC nous assure faire tout son possible pour former les présidents de jury : il organise chaque année une réunion à cet effet. Sur la question de l’anonymat des livrets scolaires, le SIEC rappelle qu’il s’agit d’une disposition inscrite dans le Code de l’Éducation. Cette disposition n’est pas nouvelle : avant les livrets informatisés, les présidents de jury n’étaient pas autorisés à accéder aux informations relatives à l’identité du candidat et au nom de son établissement.
L’irrégularité constatée dans les séries de la voie technologique
Nous demandons des explications à propos de l’incident qui a entaché l’épreuve de philosophie dans les séries de la voie technologique : des dizaines de candidats ont composé sur le sujet qui avait « fuité » la veille sur internet, pendant que la majorité composait sur le sujet de secours. Ainsi, tous les candidats n’ont pas été évalués sur un sujet identique, au mépris du principe d’égalité dans un examen ouvrant droit à un diplôme public.
Nos interlocuteurs reconnaissent l’incident et l’irrégularité administrative. En fait, ce sont 200 candidats qui ont composé sur le sujet initial. Compte tenu de la lourdeur de la procédure, le SIEC n’a pas jugé opportun d’annuler l’épreuve et de convoquer à nouveau tous les candidats des séries de la voie technologique. Ils ont néanmoins tiré une leçon de cet incident : manifestement, la « ligne alerte » par laquelle ont été diffusés l’information concernant la fuite ainsi que le sujet de secours fonctionne mal.
Le problème des fraudes
Nous exposons les difficultés auxquelles nos collègues sont en butte quand ils veulent établir une fraude au moment de la correction : ils sont non seulement peu ou mal informés de la procédure à suivre, mais aussi, parfois, dissuadés de le faire par les services rectoraux. Nous déplorons le peu d’investissement de l’Institution en la matière : les campagnes d’information que le SIEC organise chaque année ne sont pas toujours suffisamment relayées au niveau des établissements. Plusieurs correcteurs témoignent de leur impuissance et de leur regret que le ministère de l’Éducation nationale puisse produire parmi les élèves et le public le sentiment d’un laisser-aller en matière de fraude. Nous ne comprenons pas pourquoi si peu de centres d’examen sont équipés de détecteurs de téléphone qui permettent, notamment, de surveiller les candidats lorsqu’ils sortent provisoirement de la salle d’examen. Nous ne comprenons pas non plus pourquoi la réglementation interdit l’usage des brouilleurs de communications lors des épreuves.
Nos interlocuteurs nous assurent de l’engagement du SIEC : tous les ans, une campagne de sensibilisation est menée auprès des chefs d’établissement et de centre d’examen. Le SIEC communique par ailleurs auprès des médias sur la gravité de la fraude et des sanctions encourues par les candidats. Nos interlocuteurs nous informent que, pour la session 2017, 306 dossiers ont été traités par la commission des fraudes et que 89 % des candidats ont été sanctionnés. Ils reconnaissent qu’aucun candidat n’a été condamné à la sanction la plus grave, à savoir 5 ans d’interdiction d’examen. En cas de suspicion de fraude, le correcteur doit adresser un procès verbal à son chef de centre, qui doit le transmettre au SIEC. Le SIEC décide ensuite avec le recteur de poursuivre ou non. Nos interlocuteurs estiment qu’il sera difficile de faire évoluer la législation pour permettre l’usage des brouilleurs, la « ligne alerte » ne passant pas par le filaire. Ils nous informent que le SIEC dispose, en revanche, d’un budget permettant de financer l’achat de détecteurs de téléphone. Mais rares sont les chefs de centre qui en font la demande.
Les incidences de la réforme du baccalauréat
Nous interrogeons nos interlocuteurs à propos de la réforme du baccalauréat : le SIEC aura-t-il une mission de contrôle et de supervision dans l’organisation des « épreuves communes » ? Sera-t-il chargé de constituer la banque de sujets pour les académies franciliennes, d’organiser les épreuves et de convoquer les correcteurs ? Le SIEC est-il appelé à jouer un rôle dans l’organisation des épreuves des enseignements de spécialité et dans celle du « grand oral » ? Est-ce le SIEC qui, en l’occurrence, constituera les jurys ? Nos interlocuteurs ont-ils des informations sur la date à laquelle aura lieu l’épreuve de philosophie ?
Il nous est répondu que le SIEC avait peu d’informations sur la façon dont sera organisé le baccalauréat avec l’entrée en vigueur de la réforme. Le rôle des chefs d’établissement sera renforcé : la mission d’organiser les « épreuves communes » devrait leur incomber. Le SIEC devrait en revanche participer à la mise en place de la « banque de sujets », en tenant compte du fait que les « sujets » n’en seront pas puisqu’ils correspondront en fait à des « situations d’évaluation » qui devront tenir compte de la progressivité des enseignements. La tâche risque d’être compliquée, car il faudra travailler avec les services rectoraux et les chefs d’établissement, dans des délais qui seront très courts. Incombera aussi au SIEC la mission d’organiser toutes les épreuves terminales, y compris les épreuves de spécialité. Le SIEC aura aussi la charge d’organiser, pour les candidats libres, la totalité de l’examen, ceux-ci devant passer les épreuves dans toutes les disciplines. La question de savoir où et quand ils passeront ces épreuves n’est pas réglée. Nos interlocuteurs ne savent pas s’ils joueront un rôle dans l’organisation du « grand oral ». Ils ignorent à quelle date aura lieu l’épreuve de philosophie.
Nous remercions nos interlocuteurs pour le temps qu’ils nous ont accordé. Ils s’engagent à nous recevoir l’année prochaine pour faire le bilan de la session 2018.
Compte rendu établi par Marie Perret, avec Christine Marinov.
1. Si l’on ne tient pas compte des deux journées consacrées à la réunion d’entente et d’harmonisation, des dimanches et de la demi-journée consacrée à l’entrée des notes.
2. BO n° 45 du 3 décembre 2015.
3. L’APPEP avait interpellé le ministre Jean-Michel Blanquer sur l’insuffisance des délais de correction dans la lettre qu’elle lui a adressée en février dernier.