Participaient à cette audience :
William Marois (ancien recteur de l’académie de Nantes, chargé de mission auprès du ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse) ;
Marie Perret (présidente de l’Appep) ;
Vincent Renault (vice-président de l’Appep).
William Marois nous reçoit dans le cadre de la mission qui lui a été confiée par le ministère. Celle-ci porte sur le troisième trimestre des collèges et des lycées.
Nous remercions notre interlocuteur d’avoir accepté de nous recevoir. Nous expliquons à titre liminaire que l’expérience des professeurs de philosophie ne se limite pas à leur seule discipline. Les constats qu’ils font dans l’enquête annuelle de l’Appep permettent de formuler des propositions sur l’organisation du baccalauréat, l’épreuve du grand oral et, plus généralement, sur le travail des élèves tout au long de l’année scolaire.
Notre interlocuteur tient à souligner qu’il n’a aucun rôle « décisionnel ». Le rapport qu’il remettra à la fin du mois de septembre au ministre ne sera public que si ce dernier le décide. Il se montrera néanmoins attentif à chacun des points que nous lui soumettrons.
Nous commençons par saluer le report des épreuves de spécialité au mois de juin, mesure de bon sens qui était particulièrement attendue par l’Appep. Ce report permettra d’éviter la forte démobilisation et l’absentéisme des élèves au troisième trimestre que nos collègues ont été nombreux à déplorer.
Cette décision soulève toutefois la question du calendrier des épreuves terminales. Nous faisons part, à ce propos, d’un sujet qui préoccupe tout particulièrement les professeurs de philosophie : le risque d’une surcharge de correction au mois de juin. Les professeurs de philosophie sont, en effet, susceptibles de corriger l’épreuve de leur discipline, l’épreuve de leur spécialité et de siéger dans les jurys du grand oral.
Cette accumulation des missions était déjà sensible lors de la session 2023. Certains de nos collègues ont dû corriger des lots conséquents après avoir siégé pendant plusieurs jours consécutifs dans un jury de grand oral. Ils ont été contraints de corriger leurs copies dans la plus grande précipitation, après avoir découvert sur Santorin qu’un lot leur avait été attribué plusieurs jours après le début de la période de correction, sans qu’ils aient été avisés au préalable de cette mission.
Quelles que soient les améliorations que les services des examens pourront apporter à l’organisation du baccalauréat, celles-ci ne suffiront pas à empêcher le télescopage entre les différentes missions susceptibles d’échoir aux professeurs de philosophie. La charge de correction risque d’être insupportable. Nous demandons, par conséquent, que l’épreuve de philosophie ait lieu dix jours avant les épreuves de spécialité. Si celles-ci avaient lieu les 12 et 13 juin prochain, la date de l’épreuve de philosophie pourrait être fixée au 3 juin. Les cours pourraient reprendre entre ces deux dates, en particulier pour les élèves de seconde et de première.
Nous exposons notre demande, récurrente, d’un rééquilibrage des coefficients. Nous rappelons que les coefficients attribués à l’épreuve de philosophie ne sont que de 8 dans la voie générale et 4 dans la voie technologique. Nous demandons qu’ils soient portés respectivement à 12 et 6. Nous expliquons le bénéfice d’une telle mesure au regard de la motivation des élèves, qui seraient incités à intensifier leur travail au troisième trimestre ou, du moins, à ne pas négliger la philosophie après la remontée des notes et des appréciations sur Parcoursup.
Nous rappelons que l’enseignement de la philosophie représente quatre heures hebdomadaires dans la voie générale, deux dans la voie technologique. Que le coefficient affecté à l’épreuve de philosophie soit inférieur à celui du grand oral, à la préparation duquel aucune heure n’est dévolue dans les emplois du temps, constitue une anomalie. L’épreuve de philosophie est, de plus, une épreuve écrite qui exige un travail patient et exigeant. La petitesse des coefficients actuels ne permet pas de récompenser à sa juste valeur le travail des élèves. Cette épreuve, enfin, est l’épreuve par excellence de la maturité intellectuelle. L’épreuve de philosophie est une épreuve de transition vers le supérieur, puisqu’elle fait appel à des connaissances et à des aptitudes que les élèves seront amenés à mobiliser ensuite, quelle que soit la formation qu’ils suivront.
Nous exposons notre deuxième proposition : que l’épreuve de grand oral ait lieu en fin de première. Nous expliquons les bénéfices d’une telle mesure. Le cycle terminal s’en trouverait avantageusement rééquilibré : les élèves passeraient trois épreuves en fin de première et trois en fin de terminale. Cette mesure, de plus, inciterait les élèves à ne pas négliger la spécialité qu’ils abandonnent en fin de première : il pourrait en effet être exigé que les questions présentées au grand oral s’adossent à leurs trois spécialités. Autre avantage : les professeurs de spécialité qui ne sont pas tenus, en première, par l’échéance de l’épreuve écrite, pourraient mieux accompagner les élèves dans la préparation du grand oral. Nous faisons valoir, enfin, que l’année de première se prête davantage à cette préparation que l’année de terminale. Cette dernière est particulièrement chargée pour les élèves, qui doivent se préparer à deux épreuves de spécialité lourdement coefficientées et se préoccuper de leurs études à venir. Pour être autre chose qu’une épreuve de « prestance », le grand oral exige un travail régulier de lecture, de documentation et de recherche, lequel suppose une disponibilité d’esprit que les élèves ont moins en terminale.
Notre interlocuteur souhaite savoir ce que nous pensons du grand oral. Nous expliquons que l’Appep n’avait pas d’opposition de principe à l’introduction d’une épreuve orale. Nous déplorons néanmoins qu’aucune heure n’ait été prévue dans les emplois du temps des professeurs et des élèves à sa préparation. Cet état de fait a pour effet de réduire le grand oral à une épreuve rhétorique, voire de le détourner de sa vocation première : en l’absence d’heures dévolues à un véritable travail de recherche, la prestation des candidats se réduit trop souvent à un exposé creux, trop peu adossé à des connaissances disciplinaires ; certains lisent un exposé qu’ils ont trouvé sur internet, après l’avoir appris par cœur et consigné par écrit pendant les 20 minutes de préparation. Nous soulignons à quel point cela est absurde.
Nous faisons apparaître, enfin, les effets délétères que l’introduction du contrôle continu peut avoir sur la motivation des élèves. Nous expliquons combien l’examen final jouait un rôle structurant : celui-ci était un horizon qui donnait un sens au travail de l’année et avait un effet mobilisateur, et pas seulement en fin d’année. En outre, si l’on a beaucoup critiqué le « bachotage », on a omis de dire que les révisions étaient aussi l’occasion pour les élèves de donner un « coup de collier », de mobiliser leurs forces et d’apprendre à s’organiser en vue d’une échéance. Nos collègues du supérieur, en particulier ceux qui enseignent en CPGE, constatent que quelque chose s’est perdu : les étudiants n’ont pas acquis l’habitude de travailler régulièrement en vue de se préparer à un examen ou à un concours. Le contrôle continu, par ailleurs, génère une suspicion préjudiciable au travail des élèves. Beaucoup doutent de la capacité de l’institution à évaluer le plus objectivement possible leur niveau scolaire. Nous concluons en rappelant l’attachement de l’Appep à des épreuves terminales, nationales et anonymes.