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Audience auprès du Doyen du groupe philosophie de l’IGÉSR

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Assistaient à cette audience :

 Jean-François Balaudé, doyen du groupe Philosophie de l’IGÉSR

 Pour l’Appep :

 Marie Perret, présidente ;

Karine Cardinal, vice-présidente

Nous remercions notre interlocuteur de nous avoir accordé cette audience et expliquons les raisons qui la rendaient urgente. Il nous paraissait opportun de lui exposer les principales demandes que l’Appep formulera le 5 juin prochain lors de l’audience prévue auprès du Cabinet de la ministre. Nous souhaitions, de plus, lui faire part de nos très vives inquiétudes à propos de la réforme du Capes. Nous voulions, enfin, savoir ce que l’Inspection générale entendait faire pour que notre collègue du Lycée Saint-Pierre-de-la-Mer (Saint-Cyprien, académie de Montpellier) obtienne les heures d’HLP que son chef d’établissement a attribuées à sa collègue de lettres.

Nos demandes se fondent sur le dernier rapport de l’enquête annuelle de l’Appep que nous avons envoyé à notre interlocuteur. Nous expliquons à quel point la situation est alarmante : les professeurs de philosophie sont nombreux à déplorer la marginalisation de leur enseignement et la très nette dégradation de leurs conditions de travail. Ils nous font part de leur épuisement et de leur désarroi.

Le coefficient

Nous exposons notre demande, constante depuis la réforme du baccalauréat, d’une revalorisation significative du coefficient affecté à l’épreuve (de 8 à 10 dans la voie générale et de 4 à 10 dans la voie technologique). Le coefficient actuel ne récompense pas le travail patient et exigeant que les élèves réalisent tout au long de leur année de philosophie. Il apparaît, de plus, comme une double anomalie : nous ne comprenons pas qu’il soit inférieur, d’une part, au coefficient des épreuves de français et, d’autre part, à celui du grand oral. En signalant l’épreuve de philosophie comme négligeable, ce coefficient, enfin, n’incite pas les élèves à s’y préparer sérieusement.

Jean-François Balaudé répond que l’Inspection générale plaide elle aussi en faveur d’une augmentation du coefficient de l’épreuve de philosophie et qu’il soutiendra, par conséquent, cette demande lors de l’audience auprès du Cabinet de la ministre. Le coefficient est, en effet, une « question clé » : il engage la crédibilité des épreuves, la considération de la discipline et le travail des élèves.

L’organisation des devoirs en temps limité

Nous faisons valoir que la faiblesse du coefficient fait aussi obstacle à l’organisation des devoirs en temps limité. Les directions des établissements estiment souvent qu’un coefficient aussi dérisoire ne saurait justifier l’énergie qu’elles doivent déployer pour les organiser. Ainsi, 40 % des collègues qui ont répondu à notre enquête n’ont pu organiser l’an dernier ne serait-ce qu’un seul devoir en temps limité. Non seulement cette situation est préjudiciable aux élèves qui ont besoin de s’exercer dans les conditions réelles de l’épreuve, mais elle met les professeurs de philosophie en porte-à-faux avec ce que l’Inspection générale préconise dans ses Recommandations concernant le travail dans les classes de philosophie1 (2021). Notre demanderons donc au ministère d’enjoindre les chefs d’établissement à faciliter l’organisation des devoirs sur table.

Notre interlocuteur estime lui aussi que la situation est très insatisfaisante. Il constate que certains proviseurs sont réticents à organiser des devoirs en temps limité et qu’il existe, sur ce point, de fortes disparités entre les établissements. Il y a là un problème d’équité : les élèves sont très inégalement préparés à l’épreuve de philosophie. Il nous assure que les IA-IPR, à l’occasion des visites d’inspection, rappellent aux chefs d’établissement la nécessité d’organiser des devoirs sur table. Mais ils ne sont pas toujours entendus. Jean-François Balaudé appuiera, par conséquent, notre demande.

HLP

Nous exposons nos demandes relatives à la spécialité « Humanités, littérature et philosophie ». Nous soulignons le caractère abscons du programme, sa lourdeur et sa confusion. Nous expliquons que le programme de la spécialité gagnerait à porter sur des notions communes qui offrent l’avantage de la clarté et de la simplicité. Nous demandons aussi une simplification de l’épreuve. L’interprétation et l’essai sont des exercices certes moins « formels » que l’explication de texte et la dissertation. Mais c’est justement ce caractère informel qui les rend difficiles pour les élèves. L’introduction de ces deux exercices génère en outre de la confusion dans leur esprit et les contraint à se préparer en terminale à quatre exercices (la dissertation, l’explication de texte, l’essai et l’interprétation). Ces exercices, enfin, donnent lieu à des attendus trop flous pour garantir une correction équitable. Nous demandons que l’épreuve propose au choix des candidats l’explication en quatre heures d’un texte littéraire ou philosophique. Elle porterait ainsi sur un exercice qu’ils apprennent à maîtriser dans les deux disciplines de la spécialité.

Notre interlocuteur considère que cette spécialité contribue à maintenir la philosophie dans le paysage du lycée. Il ne nous rejoint pas dans nos analyses. Il juge l’actuel programme intéressant pour les élèves comme pour les professeurs de philosophie, qui devraient s’exposer davantage au travail dont cette spécialité est l’occasion. Il n’est pas favorable à une redéfinition de l’épreuve. Celle-ci signerait un échec. Il fallait inventer des formes, sinon nouvelles, du moins différentes des exercices que les élèves pratiquent en français et en philosophie. Chaque discipline devait faire un pas vers l’autre. Il estime toutefois qu’un cadrage de l’évaluation est nécessaire : il faut trouver les moyens d’asseoir la notation sur des principes plus fermes, qui permettraient aux correcteurs de discerner plus clairement ce qu’il convient de valoriser dans les copies d’HLP. L’Inspection travaille, du reste, dans ce sens. Des ressources pédagogiques constituées à partir du travail réalisés par les collègues dans différentes académies seront ainsi mises à disposition des professeurs d’ici la fin du mois de juin.  

Nous répondons qu’il faut, en l’occurrence, se situer du point de vue des élèves. Nous disons à quel point il leur est difficile de saisir la différence entre, d’une part, l’explication de texte et son interprétation et, d’autre part, la dissertation et l’essai. Ce dernier exercice est particulièrement cruel : en favorisant des formes variées, en leur faisant miroiter une liberté formelle, en proposant la tribune de journal comme modèle, on plonge dans le désarroi les élèves les plus fragiles, qui ont besoin d’une méthode rigoureuse pour apprendre à construire leur pensée. Nous ajoutons que, s’il s’agissait pour chacune des deux disciplines de « faire un pas vers l’autre », il aurait été plus logique de privilégier l’exercice qui leur est commun, à savoir l’explication de texte.

L’EMC

Nous rendons compte des efforts que l’Appep a déployés pour que la philosophie ait sa juste place dans l’Enseignement Moral et Civique. Ces efforts ont malheureusement été vains. Nous n’arrivons pas à briser le quasi-monopole dont jouit, de fait, l’histoire-géographie. Nous informons notre interlocuteur que nous demanderons au ministère d’enjoindre les chefs d’établissement à mobiliser l’ensemble des disciplines pour l’EMC, en particulier la philosophie en terminale.

Jean-François Balaudé convient que cette situation est insatisfaisante et appuiera notre demande.

L’enseignement de la philosophie dans la voie technologique

Nous faisons part des difficultés dont témoignent nos collègues qui enseignent dans la voie technologique. Elles sont immenses, au point d’inciter certains à abandonner le métier. Depuis que le dédoublement de la deuxième heure n’est plus garanti nationalement, ces difficultés sont devenues plus aiguës encore. Nous disons notre lassitude à entendre le ministère renvoyer systématiquement les professeurs de philosophie aux négociations locales pour obtenir ce dédoublement. 70 % des collègues ayant répondu à notre dernière enquête ne l’ont pas obtenu. Notre demande récurrente d’un retour à un dédoublement garanti nationalement se trouve pleinement justifiée. Nous demanderons en outre au Cabinet de s’adresser aux chefs d’établissement pour qu’ils dédoublent la deuxième heure.

Jean-François Balaudé partage nos constats et estime que l’enseignement dans la voie technologique mérite un état des lieux. Il appuiera notre demande.

La réforme du Capes

Nous partageons nos préoccupations à propos de la réforme du Capes, contre laquelle l’Appep est fortement mobilisée. Cette réforme que le ministère entend imposer à marche forcée abaissera le niveau d’exigence du concours et signera la disparition de l’année de préparation qui est pourtant indispensable aux candidats. Nous redoutons, en outre, que cette réforme ne fragilise les masters de philosophie et ne creuse un peu plus le fossé entre le Capes et l’agrégation. Nous demandons si l’Inspection générale a des informations à nous communiquer à propos de la nouvelle maquette envisagée pour la Capes de philosophie.

Notre interlocuteur nous informe que cette maquette a été présentée lors d’une réunion à laquelle participaient les doyens et les représentants des organisations syndicales. Il s’engage à nous la communiquer. L’Inspection générale a tenu à revenir à des épreuves plus fondamentales : la dissertation et l’explication de texte. Leur niveau de difficulté sera ajusté au niveau académique d’étudiants de L3. La durée de certaines épreuves a été réduite, en particulier celle de la première épreuve d’admission : le temps de préparation passe de 6 h à 2 h 30. Jean-François Balaudé précise que ce point a fait l’objet d’âpres négociations : il était initialement question de le réduire davantage encore.

Nous demandons ce que devient la deuxième épreuve d’admission dont l’Appep demande la suppression. Jean-François Balaudé nous répond que celle-ci est maintenue, moyennant deux changements mineurs : il ne sera plus demandé aux candidats de se prononcer sur des « mises en situation » professionnelles et relatives à la vie scolaire ; l’épreuve ne portera plus seulement sur les valeurs de la République, mais aussi sur la transition écologique et l’empathie. Nous faisons part de notre consternation. Notre interlocuteur précise que, même si cette épreuve est commune à tous les Capes, des ajustements seront possibles, notamment en philosophie. Nous rappelons que l’Appep avait vivement protesté, en septembre dernier, contre l’éviction de la présidente du Capes-Capet de philosophie, Sylvia Giocanti. Nous voulons savoir si notre interlocuteur, qui lui a succédé dans cette fonction, entend reconduire le cadre qu’elle avait posé pour donner une assise disciplinaire à cette épreuve. Jean-François Balaudé nous assure que ce cadre sera reconduit. Il estime que le Capes de philosophie n’est pas dénaturé et que les épreuves conservent les caractéristiques de la discipline. Il précise, toutefois, qu’il faudra être intraitable sur la possibilité donnée aux candidats de poursuivre un travail de recherche disciplinaire et de préparer le concours de l’agrégation.

La répartition des heures d’HLP

Nous évoquons la situation préoccupante de Mme Dabat, professeur de philosophie au lycée Saint-Pierre-de-la-Mer, établissement privé sous contrat. Notre collègue avait saisi l’Appep en septembre dernier à propos de la répartition des heures d’HLP dans son établissement. Ces heures ont été intégralement confiées à sa collègue de lettres. Nous avions immédiatement demandé à F. Burbage, qui était alors doyen, d’intervenir pour mettre fin à cette situation aussi inexplicable qu’inacceptable. Celle-ci déroge en effet aux dispositions du programme que confortent les Recommandations conjointes des groupes de lettres et de philosophie de l’IGEN de 20192. Nous nous étonnons qu’un chef d’établissement puisse prendre de telles libertés avec les textes réglementaires qui s’appliquent aux établissements publics comme aux établissements privés sous contrat. En plus de nuire à notre collègue de philosophie, cette situation pourrait créer un précédent. On peut craindre en effet que de telles pratiques ne se répandent, fragilisant ainsi encore un peu plus l’enseignement de la philosophie.

Jean-François Balaudé attend que les derniers éléments relatifs à cette affaire lui soient communiqués par Adinel Bruzan, IA-IPR de Montpellier. Celui-ci s’est rendu sur place pour entendre le chef d’établissement, Déborah Dabat, et sa collègue de lettres. Il a en outre assisté à un cours de l’un et l’autre professeur. Nous nous étonnons qu’un IA-IPR de philosophie juge opportun d’assister à un cours dispensé par un professeur de lettres. Nous l’informons que l’Appep portera cette affaire devant le Cabinet de la ministre et publiera un communiqué si la situation devait perdurer.

Nous remercions Jean-François Balaudé de nous avoir accordé cette audience qui aura duré 1 h 45. Les échanges furent fluides, très cordiaux et constructifs.

  1. Trois devoirs en temps limité sur l’année scolaire.
  2. Le programme dispose en effet que cet enseignement « doit être assuré à parts égales, sur chaque année du cycle », par un professeur de lettres et un professeur de philosophie. Les recommandations des groupes de lettres et de philosophie de l’IGEN de 2019 précisent, d’une part, que ce partage à parts égales « relève d’un cadrage national prévalant de manière systématique » et, d’autre part, que « la distribution des heures ne fait pas l’objet d’une négociation ou d’un ajustement local ».