Le 30 août la Conférence des Associations de professeurs spécialistes était reçue à sa demande par Jean-Marc Huart (Directeur de cabinet), Julie Bennetti (Conseillère auprès du Ministre), Thomas Leroux (Conseiller aux affaires pédagogiques et aux savoirs fondamentaux).
Représentaient la Conférence: Christine Guimonnet (APHG, Secrétaire de la Conférence), David Boudeau (APBG), Jean-Luc Breton (APLV), Clotilde Furini (APSMS), Marie Perret (APPEP).
Si les associations sont très attentives aux récentes annonces présidentielle et ministérielle sur les projets de réforme du Collège et du Lycée professionnel, la réforme du Lycée et du Baccalauréat était au cœur des échanges.
Nous revenons sur les constats que la Conférence a posés dans son dernier communiqué.
- Nous soulignons les effets délétères du contrôle continu. Nous signalons les tensions que celui-ci génère dans les lycées. Les revendications des élèves et des parents, la difficulté des élèves à se poser pour entrer dans les apprentissages, à fournir des efforts réguliers et à gérer leurs frustrations, dégradent la relation pédagogique. Nous déplorons que le ministère ait supprimé toute réelle possibilité de sanctionner l’absentéisme stratégique lors des devoirs, et que les professeurs soient autant exposés à la contestation des notes. Le ministère les place ainsi dans une situation où leurs modalités d’évaluations sont soumises à des pressions pour que les notes soient orientées à la hausse. Ces pressions favorisent une forme de censure des professeurs dont l’expertise professionnelle est remise en cause.
- Nous soulignons l’absurdité pédagogique du calendrier de l’année de Terminale. Les élèves sont supposés passer leurs épreuves de spécialité au mois de mars, dans une période très chargée pour eux. Cette échéance arrive bien trop tôt dans l’année scolaire. Les professeurs ne peuvent préparer sereinement les élèves à ces épreuves. Enfin, l’année de Terminale doit être une année de formation, notamment aux études supérieures, jusqu’à son terme, ce que ce calendrier rend impossible. Il favorise en effet dispersion, démobilisation et absentéisme.
- Nous faisons état du mécontentement de nos collègues en charge des enseignements de spécialité, dont les notes ont été modifiées et remontées, parfois jusqu’à trois points, sans qu’ils en aient été avisés, et qui l’ont découvert, par hasard, en se connectant sur Santorin.
- En l’état, l’épreuve du Grand oral n’est pas satisfaisante. Elle ne permet pas d’évaluer la maîtrise des connaissances, ni le travail accompli par les élèves pour la préparer. La performance orale l’emporte sur le fond. Aucune heure n’étant dévolue à sa préparation, les élèves recourent bien souvent à des exposés qu’ils trouvent sur internet. L’épreuve doit être prise au sérieux et non pas vantée dans les médias comme un exercice où les performances d’acteur suffiraient.
Nous formulons les demandes suivantes :
- Les épreuves de spécialité doivent être reportées au mois de juin. Ce report doit être annoncé dès la rentrée. Après deux années fortement perturbées par la pandémie, élèves et professeurs ont besoin d’une visibilité sur le calendrier de l’année pour travailler de manière sereine et efficace.
- Afin de limiter les contestations et dans un souci d’équité, il est souhaitable que les élèves passent chacune de leurs épreuves de spécialité le même jour, sur un seul sujet national.
- L’épreuve du Grand Oral doit être repensée : la maîtrise des savoirs et la capacité à répondre à des questions exigeantes, seules preuves d’un travail de qualité, doivent être déterminantes dans l’évaluation. Un horaire hebdomadaire doit être prévu pour y préparer sérieusement les élèves.
- Un bilan lucide et sincère des dernières réformes doit être établi. Il faut évaluer si celles-ci contribuent vraiment à la formation intellectuelle et au progrès des élèves et si elles les préparent à affronter l’enseignement supérieur.
Nos interlocuteurs nous apportent les réponses suivantes :
- Jean-Marc Huart nous assure que le ministère n’a donné aucune consigne visant à remonter des notes, et qu’une enquête a été diligemment menée afin d’établir qui avait pu prendre l’initiative de cette « harmonisation » statistique. Il nous informe qu’une commission a été reconvoquée. Il minimise, par ailleurs, l’ampleur de cette harmonisation statistique : celle-ci porterait sur 17 à 20 % des notes seulement et, dans 90 % des cas, l’écart serait de 0,5 à 1 point. Il tient à souligner, par ailleurs, que les correcteurs peuvent être assurés de la confiance du ministère en l’objectivité de leur notation. Nous nous étonnons des chiffres donnés par le ministère : ils montrent, au contraire, que cette harmonisation est loin d’avoir été marginale. Nous demandons à nos interlocuteurs s’il y a eu des précédents. De façon plus générale, les notes peuvent-elles être modifiées après le verrouillage du lot par le correcteur sur Santorin ? Nous n’obtenons pas de réponse claire sur ce point.
- L’introduction d’une part de contrôle continu dans le Baccalauréat était une façon de normaliser l’examen. La France faisait figure d’exception : nous étions le seul pays au monde dans lequel le Baccalauréat était évalué à partir d’épreuves terminales. Le contrôle continu, de plus, n’est pas un précédent : il a déjà été introduit en Lycée professionnel et à l’Université. Les commissions d’entente et d’harmonisation garantissent, enfin, l’égalité des candidats.
- Le ministère n’entend pas revenir sur le calendrier de l’année de Terminale. Pour permettre la préparation du Grand oral et pour que les notes obtenues lors de ces épreuves comptent dans Parcoursup, les épreuves de spécialités doivent avoir lieu au printemps. Devant notre insistance et les arguments déployés, nos interlocuteurs nous invitent à ne pas tomber dans le « déclinisme » et à faire preuve d’optimisme. Assurément, ces réformes réduiront le taux d’échec des étudiants en première année de Licence. Il faut rechercher l’excellence pour nos élèves, la « juste exigence ». Nos interlocuteurs nous renvoient au comité de suivi de la réforme doit se réunir fin septembre. Nous ne pouvons que partager cette « juste exigence » mais elle est difficilement compatible avec les consignes récurrentes de « bienveillance » données aux correcteurs.
Nous disons notre regret que le ministère n’entende pas notre demande urgente et légitime du report des épreuves de spécialité. Nous remercions nos interlocuteurs de nous avoir accordé cette audience, qui aura duré plus d’une heure.