La session 2021 du baccalauréat clôt une année scolaire chaotique par un désastre institutionnel. La mascarade d’épreuve de philosophie, un «grand oral» inapproprié, des irrégularités en cascade et des dysfonctionnements techniques kafkaïens ont laissé les professeurs et tous les personnels de l’Éducation nationale indignés et accablés. Ils ont assisté, impuissants, à l’effondrement de l’institution républicaine qu’ils ont choisi de servir.
Une telle incurie est inégalée. Pour tous les professeurs qui l’ont subie, cette gabegie est d’autant plus insupportable qu’elle était prévisible. Il conviendrait de remonter aux mois de mai et juin 2020, au cours desquels la rentrée scolaire 2020 aurait dû être préparée, pour saisir la profondeur des responsabilités de cet effondrement. Au lieu de travailler à empêcher la catastrophe annoncée, le ministère a refusé d’entendre les propositions et les alertes.
Compte tenu de la gravité et de l’immensité du désastre de la session 2021 du baccalauréat, pour lesquelles on ne peut invoquer l’excuse d’un rodage technique, l’APPEP demande la création d’une commission d’enquête parlementaire chargée d’établir les faits et les responsabilités.
Dans l’attente d’un tel rapport, l’APPEP conteste la poursuite de réformes imposées au pas de charge et au mépris du travail des enseignants, de leur expérience et de leur jugement.
Elle dénonce l’instrumentalisation de la pandémie par le ministère pour accélérer l’imposition d’un baccalauréat d’établissement dont la valeur dépendra désormais en grande partie de la réputation du lycée d’origine des candidats.
Elle conteste l’accentuation des pressions exercées sur les professeurs par des familles, des élèves, des chefs d’établissement, et même par l’inspection et les futurs professeurs référents. Elle déplore que les professeurs de philosophie ne trouvent plus, dans l’exercice de leur métier, de contrepoids institutionnel protecteur. Elle accuse le ministère de transformer les élèves en consommateurs de notes, indifférents à leur instruction. Elle refusera de nouveaux reculs de la liberté pédagogique des enseignants, consubstantielle à l’exercice éclairé et responsable de leur métier.
L’impréparation de la prochaine rentrée fait aujourd’hui craindre une répétition du chaos que nous avons connu cette année.
Soucieuse d’une année scolaire 2021-2022 la moins mauvaise possible, l’APPEP réclame d’ores et déjà :
- que les épreuves de spécialités et des ex-«E3C» soient programmées pour le mois de juin 2022, à titre d’épreuves nationales et anonymes ;
- que le «grand oral» soit supprimé et que l’année scolaire soit mise à profit pour concevoir dans la concertation une épreuve orale qui consacre un travail effectif des élèves et puisse en conséquence être réellement évaluée lors d’un examen.
Pour la philosophie, l’APPEP demande :
- que soit dédoublée au moins une heure hebdomadaire en voie technologique;
- que la responsabilité d’organiser les devoirs surveillés de philosophie préparatoires à l’épreuve du baccalauréat incombe à l’administration des lycées, l’éclatement des classes et des emplois du temps rendant cette tâche impossible aux professeurs ;
- que les sujets du baccalauréat soient choisis avec davantage de discernement et de soin, dans le respect des programmes et des instructions officielles ;
que l’épreuve d’oral de contrôle soit définie pour la session 2022 à l’identique de celle de la session de 2021 pour tenir compte des difficultés prévisibles ; - et que les professeurs de philosophie qui le souhaitent puissent effectivement assurer l’enseignement moral et civique, et soient soutenus par l’inspection de philosophie.
Pour la spécialité HLP, l’APPEP demande :
- que l’égalité horaire entre la littérature et la philosophie prévue par les textes soit respectée dans chaque lycée ;
- que les heures de concertation entre professeurs de lettres et de philosophie soient inscrites dans les services ;
- que les épreuves soient mieux définies ;
- que les jurys de «grand oral» soient tous composés d’un professeur de lettres et d’un professeur de philosophie ;
- que les professeurs convoqués pour évaluer l’épreuve écrite, le «grand oral» et l’oral de contrôle aient enseigné HLP en Terminale ;
- et que l’épreuve de Première dure 4h pour tenir compte de la hausse annoncée de son coefficient et de la spécificité de cette spécialité bidisciplinaire.
Au-delà de la prochaine rentrée scolaire, face au champ de ruines, l’APPEP appelle celles et ceux qui sont attachés à l’École républicaine à continuer de partager informations et propositions, avec pour objectif immédiat de garantir aux lycéens des épreuves de baccalauréat nationales, terminales et anonymes, condition insuffisante mais nécessaire d’égalité républicaine.