Le Comité de pilotage de la réforme des classes préparatoires EC a confirmé le 16 février 2023 les orientations dont l’APPEP a dénoncé, dès le 3 décembre 2022, le caractère destructeur.
L’APPEP le constate avec la même colère que d’autres associations et syndicats : loin d’entendre les recommandations et les alarmes venues des professeurs qui ont une connaissance concrète des besoins et des attentes des étudiants, la direction du Comité de pilotage avoue déterminer ses choix en fonction des exigences comptables d’une tutelle qui ne sait que brandir les menaces de fermeture et pousse à affaiblir une formation de très haute qualité.
Qu’on en juge par les pistes proposées par le Comité de pilotage : amputation massive des horaires disciplinaires ; introduction d’un mystérieux enseignement de deux heures intitulé « enjeux de la transition écologique », manifestement présent pour un clinquant qui ne trompera personne, et surtout pas les jeunes générations ; pertes d’heures disciplinaires mal compensées par un système confus d’options changeant d’une année à l’autre. Loin d’améliorer l’attractivité de la filière, ces options rendent difficilement intelligible une formation jusqu’ici bien équilibrée sur les quatre piliers que sont les sciences historiques et sociales (économie-sociologie-histoire ou histoire-géographie-géopolitique), les mathématiques, les langues vivantes et le couple lettres et philosophie.
Mais surtout, l’APPEP ne peut que s’alarmer du sort, d’autant plus menaçant que partiellement incertain, réservé à la philosophie et aux lettres. Ces deux disciplines perdraient une heure en deuxième année, alors même qu’elles constituent le seul enseignement fondamental à ne recevoir aucune compensation dans le système des options. S’agit-il de faire une place à la philosophie et aux lettres dans les enseignements relevant de la « transition écologique » ? La rigueur intellectuelle qui caractérise ces disciplines ne saurait se satisfaire de jouer ici le rôle de saupoudreuses de formules, alors même que les enjeux en question sont déjà intégrés aux programmes d’ESH et HGG.
Cette destinée semble poindre dans la nouvelle étiquette, « humanités contemporaines », dont on envisage d’affubler les lettres et la philosophie. L’aspect polémique de cette nouvelle appellation doit être dénoncé : tout se passe comme s’il s’agissait de mettre en garde professeurs de lettres et professeurs de philosophie contre l’obsolescence de ce qu’ils ont l’habitude d’enseigner, comme si ce n’était pas le réel — le réel contemporain, seul et unique réel — qu’il était toujours question de penser dans l’étude des lettres et de la philosophie, comme s’il fallait aller chercher dans les couvertures de magazines les mots pour penser.
La disposition de l’institution à déséquilibrer cette filière augure mal des projets prévisibles de réforme pour d’autres filières qui risquent elles aussi d’être sommées de faire nouvelle figure ou de disparaître. Elle doit être d’autant plus fermement dénoncée qu’elle repousse par ailleurs les pistes qui auraient des chances sérieuses de maintenir l’attractivité de la classe préparatoire ECG : inciter les grandes écoles à cesser leur concurrence déloyale par multiplication des « prépas intégrées », alors même que l’image de marque de ces écoles tient largement à la grande qualité des étudiants qu’elles reçoivent des classes préparatoires ; revoir la procédure Parcoursup qui incite souvent les élèves de Terminale à choisir la première formation offerte, sans attendre la place en CPGE qui pourrait leur être attribuée ; ou encore travailler à faire mieux connaître et mieux comprendre cette spécificité des études supérieures françaises, qui participe à la production de très hautes compétences, reconnues internationalement.
Les classes préparatoires, qui forment des étudiants heureux, instruits et compétents et demandent aux professeurs un travail d’une grande intensité, méritent davantage que les marques d’inimitié, voire d’hostilité, qu’on continue de leur prodiguer là où l’on devrait les soutenir.