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Compte rendu de l’audience auprès du doyen du groupe philosophie de l’IGESR le mercredi 5 mars 2025

Publié le

Présent pour l’IGÉSR : Jean-François Balaudé, doyen du groupe philosophie. Présents pour l’Appep : Blaise Bachofen (vice-président), Karine Cardinal (vice-présidente), Vincent Renault (président).

 

  1. Tronc commun

 

Nous remettons le rapport de l’enquête 2024, appui de nos observations et d’une grande partie de nos suggestions ou exigences. Nous commençons par aborder les questions relatives à l’enseignement en tronc commun.

  1. La voie technologique concerne plus de 60 % des enseignants. L’enjeu démocratique de l’accès du plus grand nombre à la philosophie y pèse le plus lourdement. Nous signalons que les appréhensions relatives à l’enseignement de la philosophie au lycée professionnel tiennent à l’expérience de la voie technologique. Une circulaire est indispensable pour le dédoublement de la 2eheure, dont la mise en place ne peut être confiée à l’arbitrage local du chef d’établissement. Le doyen partage notre sentiment, s’accorde sur la nécessité d’un « cadrage » et dit plaider pour ce dédoublement. Il évoque contraintes budgétaires, réponse que nous disons être lassés d’entendre. Nous invoquons la nécessité d’un interventionnisme des corps d’inspection, notamment des IPR dans les académies. Le doyen évoquera cette question lors de la prochaine rencontre avec les IPR.
  2. Nous soulevons la question du coefficient. D’après l’enquête, ce serait la principale manière de rendre de la place à la philosophie dans le système scolaire. Nous rappelons notre proposition d’un c. de 10 % dans les deux voies, qui ne se ferait au détriment d’aucune discipline, en prenant sur le seul Grand oral. Nous demandons au doyen s’il dispose d’informations sur le projet d’épreuve anticipée de mathématiques et sur le projet de bilan relatif au grand oral, évoqué lors de notre audience auprès du cabinet le 5 juin 2024. Il n’en dispose pas et évoque la pérennité incertaine du gouvernement actuel.
  3. Sur la question du calendrier du bac 2025, de la suppression de la dispense entière de surveillance, de l’injustice créée au regard de la charge de correction des professeurs de philosophie ; sur notre proposition d’une épreuve de philosophie dix jours avant les spécialités : le doyen reconnaît la pertinence de cette dernière proposition, dont il espère persuader. Il assure faire valoir la situation particulière des professeurs de philosophie. L’IG sera attentive au desserrement maximal du calendrier et intervient à cette fin dans les académies. Il faut au moins que la remise des notes soit exigée aussi tard que possible. Il faut aussi que les réunions d’entente n’aient pas lieu trop tard, que les éléments d’évaluation soient envoyés suffisamment tôt. Il dit sa crainte de voir se multiplier les professeurs indisponibles. Cela constitue pour le doyen un argument supplémentaire pour insister sur des délais de correction plus confortables ; sous pression, les correcteurs pourraient être plus nombreux à considérer impossible d’accomplir cette tâche avec tout le sérieux nécessaire, ce qui pourrait conduire à une situation inextricable.
  4. Nous évoquons la lourdeur du programme de la voie générale. Le doyen considère le nombre de notions comme indifférent ; il pourrait y en avoir davantage ; le professeur n’a pas à traiter les notions une par une, mais doit balayer l’ensemble des notions à travers un déroulé qui passe par des couplages. Nous répondons que cela correspond à la pratique de tous les professeurs, mais qu’il n’est pas toujours aisé aux élèves de s’y retrouver, surtout dans une année de philosophie qui se déroule en pointillés : nécessité d’organiser des devoirs sur les heures de cours, heures qui sautent en raison notamment du fait que les classes ne sont entières que pendant les heures de philosophie et d’histoire-géographie, etc.

 

  1. La spécialité « Humanités, littérature et philosophie »

 

Nous évoquons le triple problème de la spécialité HLP : programme confus, surchargé, historiciste ; épreuves aux attendus incertains, au rapport ambigu avec les épreuves de tronc commun, et qui viennent se surajouter à ces dernières ; la question du partage et de la concertation avec les collègues de lettres. Sur le programme nous défendons l’idée d’un programme de notions. Les collègues de lettres pourraient parfaitement s’y retrouver, comme c’est le cas dans les prépas EC et scientifiques. Nous appelons notre demande d’une heure de concertation dans les emplois du temps, ainsi que notre proposition pour les exercices : alignement sur les épreuves de tronc commun ; choix laissé au candidat, à l’examen, entre épreuves de philosophie et de lettres. Nous annonçons le colloque du 15 novembre 2025 à l’ENS.

  1. Sur le programme, le doyen (qui souligne, comme en juin, qu’il a trouvé la spécialité établie) admet que la bibliographie est trop énorme pour être réellement indicative ; mais il note que les professeurs ont toute latitude pour piocher de différents côtés ; que l’ancrage historique ne constitue pas une obligation ; que ce sont les thèmes qui comptent. Le cadre historique vaut pour le choix des textes à l’examen. Nous lui faisons confirmer qu’un professeur ne pourra en aucun cas être pénalisé pour avoir négligé l’ancrage historique. Le doyen prend par ailleurs ses distances avec le terme de « carcan » que nous avons utilisé. La mise en perspective historique a également son intérêt, estime-t-il.
  2. Sur les exercices, le doyen trouve intéressante la liberté laissée aux élèves quant à la forme à adopter. Il a assisté à un stage au cours duquel s’est largement déployé l’éventail des formes possibles d’écriture. La réflexion sur la manière d’écrire n’est-elle pas philosophiquement importante ? Nous soulignons toutefois que cela repose sur une conception illusoire des exercices de tronc commun comme exercices extrêmement prescriptifs et que toute exercice institutionnalisé produit sa propre inflation de règles, comme on le voit pour l’ « essai » dans le monde anglo-saxon. Nous faisons aussi remarquer que pour un grand nombre d’élèves h-l-pistes, la liberté invoquée est angoissante. D’ailleurs, en suggérant que le candidat doit prendre la responsabilité de la forme de son propos, le doyen ne complique-t-il pas encore l’épreuve ? Le refus d’aligner les épreuves d’HLP-philo sur les épreuves de tronc commun nous paraît relever d’un formalisme par trop oublieux de ce en quoi consiste la réflexion philosophique. Et si penser l’écriture était l’objet de l’exercice, cela devrait en toute cohérence définir le programme, notons-nous. Les sujets des j 1 et 2 sont-ils l’œuvre de la même commission ? Oui, répond le doyen à qui nous avons signalé le témoignage massif des collègues (88 %) sur la plus grande difficulté du sujet du jour 2 en 2024.
  3. Le doyen reconnaît l’importance de la concertation. Concernant la monopolisation d’HLP par des collègues de lettres, le doyen fait état d’une faible latitude de l’inspection pour obtenir que les lycées privés respectent l’obligation légale de partage égal de l’enseignement entre les deux disciplines. L’opacité des pratiques dans le privé a ses limites, observons-nous : aux corps d’inspection de communiquer avec les responsables rectoraux de l’enseignement privé. Le doyen insistera sur ce problème auprès des IPR.

 

  1. Les travaux des élèves : charge de correction et IA.

 

Nous remettons au doyen notre communiqué « Prompter n’est pas penser ». Il en avait pris connaissance par AEF Info. Nous soulignons l’impossibilité d’évaluer des DM et la difficulté d’organiser des DS. Nous dénonçons la petite musique démagogique portée par le ministère, mais aussi relayée par certains inspecteurs d’après des témoignages reçus (et donc la situation de détresse dans laquelle les professeurs sont laissés, face aux familles de mauvaise foi, face aux chefs d’établissement qui ne les soutiennent pas). Nous précisons nos demandes : inscription par circulaire d’une plage DS dans les EDT avec moyens alloués à la surveillance ; charte constituée sur la base d’une consultation des professeurs discipline par discipline ; de l’aide, et non de la suspicion et des obstacles, de la part des inspecteurs ; révision des recommandations de l’IGÉSR (nous suggérons de réduire à 6 devoirs complets en voie générale, dont 2 en situation examen). Le doyen a traité de cette question avec les IA-IPR. Il reconnaît l’obstacle tout en parlant de ne pas refuser l’obstacle. Il évoque l’existence d’usages pédagogiques qui pourraient être faits de l’IA, ainsi que de ses usages éventuellement « thérapeutiques ». Nous revenons au problème concret de l’organisation de devoirs et de l’évaluation des élèves, terrain sur lequel il nous donne raison.

 

  1. Rapport IGÉSR sur les enseignements pluridisciplinaires

 

Nous disons notre inquiétude à la lecture du rapport de l’IGÉSR sur les enseignements pluridisciplinaires (auquel les IG de philo n’ont pas prêté la main, ou pas officiellement) : discrédit idéologique de l’expertise disciplinaire sous prétexte de bienfaits psychosociaux mis en question par le rapport lui-même ; effets de brouillage et de surcharge cognitive (avancés contradictoirement par le rapport lui-même) ; élévation du chef d’établissement au statut de responsable pédagogique principal ; bref : prétexte d’une impératif inhérent à la recherche pour discréditer la figure de l’enseignant, mettre en question le concours et individualiser les parcours. Le doyen affirme qu’en effet l’idée de la pluridisciplinarité exige des bases disciplinaires solides. Il rappelle l’effort du jury du CAPES de philosophie pour faire de l’épreuve d’entretien une épreuve de philosophie. Il se dit préoccupé par la possibilité que des décisions soient prises ou que des projets soient lancés qui concernent la philosophie, mais sans qu’il soit fait appel à ceux qui en sont les experts.

 

  1. Réforme du Capes

 

Concernant la réforme du recrutement des certifiés, le doyen n’a pas d’information particulière. Il renvoie à l’instabilité gouvernementale. Nous apprenons que la non-signature du décret en juillet 2024 s’explique par la réticence de Bercy face à une mesure jugée trop coûteuse (du fait de la rétribution envisagée des lauréats pendant la fin de leur formation universitaire). L’IG défendra au mieux les enjeux disciplinaires, comme elle a tâché de le faire dans les maquettes du projet précédent, où elle a été à la manœuvre. Le doyen estime possible de jouer sur l’organisation de la formation après le concours. Nous redisons notre doute : comment un lauréat de concours, d’ailleurs confronté à la nécessité concrète d’organiser ses cours dès l’année de M2, s’investirait-il dans des lectures philosophiques approfondies ? Au doyen qui rappelle l’enjeu de l’attractivité du métier, nous répondons qu’en abaisser le niveau ne peut que lui nuire.

 

L’audience, qui a débuté à midi, s’achève à quatorze heures quinze. L’Appep remercie le doyen pour le temps qu’il lui a consacré et pour les qualités d’écoute qu’il a de nouveau manifestées.