Dans les rectorats, le même refrain est entonné ad libitum : les formations ne pourront plus se dérouler que le soir après les cours, le mercredi après-midi ou pendant les vacances scolaires. Une mesure qui relève de l’affichage politique et qui va conduire à une restriction inédite et massive de la formation continue pour les enseignants.
Le dernier clou dans le cercueil de la formation continue des enseignants
Dans le contexte d’une charge de travail déjà lourde (40 heures par semaine en moyenne selon le Ministère)[1] et de missions toujours plus nombreuses, déplacer les temps de formation le soir après les cours, le mercredi après-midi ou pendant les vacances scolaires revient à obliger les enseignants à choisir entre la préparation de leurs cours, les tâches de correction et le suivi des élèves, leur vie familiale et la formation continue. Cette évolution induira un allongement considérable des journées et des semaines de travail, qui sera préjudiciable à l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée et affectera particulièrement les femmes, et ce, à l’encontre de la cinquième recommandation de l’Unesco[2].
Pourtant, le récent rapport du Sénat[3] sur la formation continue des enseignants, publié en juillet dernier, établissait un bilan peu glorieux de la formation continue. On y apprend que les enseignants sont les fonctionnaires qui bénéficient du moins grand nombre de journées de formations et que les crédits alloués à la formation ont baissé de 30% entre 2017 et 2022. De nombreux enseignants sont ainsi contraints de renoncer à leur souhait de se former, d’autant plus qu’une partie de plus en plus importante des formations proposées relèvent de l’information institutionnelle plutôt que d’une réponse à des besoins de formation exprimés par les personnels.
Une fragilisation des personnels et de l’école
Faut-il rappeler ici l’importance de la formation continue pour les enseignants comme pour l’institution scolaire ? Réduire l’accès à cette formation entre en complète contradiction avec les ambitions de l’École et les défis auxquels elle fait face aujourd’hui.
Réduire l’accès à la formation continue, c’est réduire la qualité des enseignements, qui repose sur la capacité des enseignants à actualiser leurs connaissances et à avoir accès à des espaces de partage et de réflexion professionnels.
Réduire l’accès à la formation continue, c’est aussi déconsidérer la profession enseignante, dans un contexte où la crise de recrutement se prolonge et s’amplifie. C’est considérer que la formation des enseignants n’est pas, à la différence de tous les autres salariés, une nécessité qui doit faire partie du temps de travail.
Réduire l’accès à la formation continue, c’est réduire les perspectives d’évolution de carrière des enseignants, c’est oublier que les enseignants sont en première ligne pour former intellectuellement et professionnellement les générations de jeunes citoyens et que cela nécessite d’être formé tout au long de notre carrière.
L’Éducation nationale serait ainsi la seule administration française à proposer à ses agents une formation continue en dehors du temps de travail.
Il est urgent que le ministère revienne à la raison et garantisse à l’ensemble des personnels une politique de formation continue ambitieuse, disciplinaire et de qualité, dont les élèves ne pourront que profiter. L’Ecole est un lieu d’éducation et de transmission des savoirs : les élèves ont besoin de personnels qualifiés et formés, pas seulement d’un adulte en classe.
Associations signataires : APBG, APLettres, APEMu, APMEP, APPEP, APSES, APSMS, CNARELA, UdPPC
[1] Enquête de la DEPP sur le temps de travail des enseignants https://www.education.gouv.fr/la-moitie-des-enseignants-declare-travailler-au-moins-43-heures-par-semaine-343235
[2] Recommandations de l’UNESCO du 5 octobre 2023 https://news.un.org/fr/story/2023/10/1139357
[3] Rapport d’information n° 869 (2022-2023), déposé le 11 juillet 2023du Sénat https://www.senat.fr/rap/r22-869/r22-869.html