L’APPEP a toujours manifesté son attachement aux épreuves terminales, nationales et anonymes du baccalauréat, seules à même de garantir l’égalité des candidats et la valeur de ce diplôme qui correspond au premier grade universitaire.
Face à la crise sanitaire, le ministère de l’Éducation nationale a décidé le 3 avril d’annuler les épreuves terminales. Les notes obtenues pendant les deux premiers trimestres seront transformées, a posteriori, en contrôle continu. Cette décision prise dans l’urgence apparaît comme la moins mauvaise solution possible.
Toutefois, les modalités exceptionnelles d’organisation du baccalauréat 2020 prévues à ce jour soulèvent des difficultés qui suscitent les plus vives inquiétudes de l’APPEP.
Se pose d’abord le problème du contrôle continu. La notation, pendant l’année scolaire, est formative, ce qui peut conduire à adapter la nature des évaluations et la notation en fonction de critères pédagogiques pouvant varier selon les classes. En tout état de cause, elle ne peut, sans injustice, être convertie en évaluation certificative, laquelle est d’une autre nature et n’a pas les mêmes enjeux.
Cet écueil ne sera pas évité par l’harmonisation des notes des élèves, qui pose également problème. Assurément, la notation peut varier d’un établissement à un autre. Les jurys de baccalauréat devront-ils alors pondérer les notes des élèves en tenant compte du différentiel entre les notes moyennes obtenues par les bacheliers de chaque établissement lors des précédentes sessions et les notes obtenues pendant l’année ? Outre qu’une telle pondération, qui reviendrait à modifier les notes figurant sur le livret scolaire en fonction de leur établissement d’origine, serait très difficile à mettre en œuvre, elle serait injuste pour les élèves.
On objectera que le livret scolaire, qui sert habituellement de contrepoids aux notes obtenues par le candidat à l’issue des épreuves du premier et du second groupe, permettra aux jurys de statuer au cas par cas. Mais il sera d’une aide délicate et aléatoire, sauf à décider que les conseils de classe se substituent aux jurys de baccalauréat et y fassent figurer la mention «Élève qui mérite le baccalauréat». Cela reviendrait à délivrer, sous le nom trompeur de «baccalauréat», un certificat-maison.
Se pose également le problème de l’oral de second groupe. La tenue des épreuves sera incertaine jusqu’au dernier moment. On voit mal, en effet, comment des dizaines de milliers de candidats et d’examinateurs pourront circuler dans toutes les académies et occuper les centres d’examen, mobilisant ainsi des milliers d’agents administratifs et d’entretien, sans que cela ne pose de sérieux problèmes sanitaires. Et si les épreuves du second groupe avaient effectivement lieu, comment les examinateurs pourraient-ils juger les candidats qui n’auront quasiment pas eu cours depuis la mi-mars ? Les dispositions réglementaires encadrant, dans chaque discipline, les épreuves du second groupe ne pourront pas s’appliquer, car les professeurs n’auront pu traiter l’intégralité des programmes.
Ainsi, en philosophie, l’interrogation sera hautement problématique. Le groupe de philosophie de l’Inspection générale a réaffirmé, dans une note de situation datant du 8 avril dernier, que les textes réglementaires restaient en vigueur, et que les candidats seraient interrogés sur l’œuvre suivie (ou sur les deux œuvres suivies en terminale littéraire), tout en envisageant des mesures d’exception selon les difficultés locales. Depuis, le ministère a prévu que «les élèves ne soient interrogés que sur ce qui a été effectivement traité en classe avant la fermeture des établissements et, le cas échéant, après leur réouverture», et annonce une note de service «pour que les élèves ne soient interrogés que sur ce qui a été effectivement traité en classe avant la fermeture des établissements». Pourtant, certains IPR continuent de diffuser la note de l’IG, devenue caduque. Ces injonctions contradictoires exposent les élèves à l’incertitude, les notes obtenues à contestation et les examinateurs à l’insécurité juridique.
La session de septembre, enfin, ne va pas sans difficulté. Elle sera bien plus lourde à organiser que les autres années : au nombre des candidats qui n’auront pas obtenu leur baccalauréat en juillet viendrait s’ajouter celui des candidats du second groupe, si les épreuves devaient être reportées. En plus des problèmes d’organisation se poseront des problèmes d’évaluation : sur quoi évaluer la copie ou l’oral de candidats qui n’auront pas tous étudié les mêmes parties du programme ? Que peut-on raisonnablement exiger de candidats qui n’auront pas eu de cours dans une salle de classe depuis six mois ? Enfin, les candidats qui obtiendraient le baccalauréat lors de cette session verraient, dans le meilleur des cas, leur rentrée dans le Supérieur retardée, retard qui s’accompagnerait de difficultés pour le logement, l’attribution des bourses, etc., lesquelles diminueraient dès le départ leur chance de réussir leur première année.
Ainsi, la session de septembre du baccalauréat 2020 pèsera sur une rentrée scolaire qui n’a pas été à ce jour préparée. Pourtant, la rentrée 2020 ne sera pas une rentrée comme les autres puisque les élèves auront été éloignés du lycée depuis six mois et qu’on prévoit que les conditions sanitaires ne seront toujours pas normales.
L’APPEP estime qu’il revient aujourd’hui au ministère de l’Éducation nationale de trouver enfin des solutions pertinentes aux problèmes laissés en suspens dans l’organisation administrative de ce baccalauréat 2020, qui sera exceptionnel, quelle que soit la solution adoptée.
Elle prévient que ces décisions qui répondront dans l’urgence à une crise inédite ne sauraient en aucune façon servir de référence pour les années à venir.
En tout état de cause, l’APPEP attend du ministère de l’Éducation nationale qu’il garantisse préalablement aux personnels et aux candidats des conditions de sécurité sanitaire lors du déroulement du baccalauréat 2020.