Paris, le 21 octobre 2018
Monsieur le Président de la République,
Nous savons la place que vous accordez à la philosophie dans les prémisses de l’action politique comme dans le destin de la culture humaine. Vous connaissez le rayonnement de la philosophie française dans le monde et le rôle singulier que joue en France l’enseignement de cette discipline. Vous n’ignorez pas que la philosophie traverse les débats qui animent la société française.
C’est pourquoi nous vous alertons sur les lourdes menaces qui pèsent sur le devenir de son enseignement dans le lycée de demain.
Certes, les apparences sont sauves : la philosophie continuera d’être enseignée à tous les élèves dans les lycées généraux et technologiques, et, demain comme aujourd’hui, ils passeront tous une épreuve de philosophie en juin. Les sujets de baccalauréat feront toujours la une des médias, témoignant de l’intérêt du public pour les questions soulevées par la philosophie.
Mais un coefficient affaibli, une épreuve plus de six semaines après les dernières épreuves comptant pour l’examen, marginaliseront et affaibliront son enseignement.
Et surtout, la philosophie telle qu’elle est étudiée par les élèves dans 2500 terminales littéraires disparaît corps et biens. La spécialité «Humanités, littérature et philosophie», qui s’apparente à un enseignement de culture générale, ne peut en aucune manière prétendre s’y substituer.
Ainsi, dans le lycée tel qu’il résultera de la réforme menée par votre gouvernement, toutes les disciplines bénéficieront de l’enseignement approfondi dont elles ont besoin, sauf la philosophie. L’enseignement de la philosophie ne sera pas seulement diminué quantitativement avec la perte des 8 h en Terminale L, il sera également transformé qualitativement, sans aucune consultation de la profession. Les besoins des élèves sont ignorés.
Cette disparition d’un enseignement approfondi de la philosophie dans le Secondaire aura pour conséquence une diminution brutale du nombre d’étudiants de philosophie dans le Supérieur : deux tiers de ceux-ci sont en effet issus de la Terminale L. Certains départements universitaires disparaîtront.
C’est pourquoi nous avons l’honneur de vous demander une audience, pour évoquer avec vous l’avenir de l’enseignement de la philosophie, gravement menacé par la réforme en cours. Aujourd’hui plus que jamais, les élèves ont besoin de clarifier leurs pensées, de distinguer le vrai du vraisemblable, d’apprendre à conceptualiser et à former un jugement réfléchi, à dialoguer, et à améliorer leur expression écrite et orale. L’enseignement de la philosophie nous apparaît irremplaçable.Il y a là un enjeu démocratique et républicain.
Nous vous prions, Monsieur le Président de la République, de bien vouloir agréer l’expression de notre très haute considération et d’être assuré de notre attachement dévoué et vigilant à l’enseignement de la philosophie,
Pour le Bureau national de l’APPEP, son président,
Nicolas Franck