Les raisons officiellement alléguées par la DGRH sont dérisoires
Contre toute attente, la Direction générale des ressources humaines (DGRH) du Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse (MENJ) et du Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et de l’innovation (MESRI) a décidé de ne pas reconduire Sylvia Giocanti, professeure des universités, à la présidence du Capes externe-Cafep de philosophie. Il s’agit là d’une décision sans précédent puisque, depuis la création de ce concours, aucun président du CAPES n’a jamais été évincé de la sorte avant d’avoir présidé le jury pendant quatre ans.
Or le seul point allégué par la DGRH dans ce courrier pour justifier sa décision semble dérisoire et anecdotique : la proclamation des résultats du concours a eu lieu quelques heures avant leur publication officielle sur le site internet du ministère. Pourtant, l’heure à laquelle les résultats devaient être proclamés a été confirmée la veille au soir par le ministère et les résultats de l’admission, quant à eux, lui ont été dûment transmis la veille de leur publication. C’est parce qu’ils tardaient à être mis en ligne que la présidente du Capes-Cafep a été conduite à les proclamer en fin de matinée, le 30 juin 2023, afin de ne pas faire attendre indéfiniment les candidats qui s’étaient rassemblés ; et elle les a proclamés en spécifiant que seule la liste des reçus mise en ligne par le ministère ferait foi.
Les véritables motivations de la DGRH sont illégitimes et dangereuses
Selon toute apparence, les raisons de fond qui expliquent la décision de la DGRH tiennent à un tout autre motif, à savoir un désaccord fondamental sur les modalités de la mise en œuvre de la réforme du Capes-Cafep entrée en vigueur en 2022.
Chacun sait que de nombreuses institutions et associations de professeurs de philosophie s’étaient inquiétées dès 2021 de cette réforme et des risques qu’elle faisait courir à la qualité disciplinaire des recrutements. Confrontés à ces inquiétudes légitimes, le directoire du Capes-Cafep et l’ensemble du jury, soucieux de maintenir des exigences disciplinaires de haut niveau indispensables au recrutement de professeurs aguerris, tout en les articulant au souci d’une meilleure prise en compte de la dimension professionnelle du métier, a engagé un précieux et difficile travail collectif pour appliquer cette réforme dans le strict respect du nouveau cadre réglementaire, et conformément aux intentions et demandes du ministère. Le ministère s’est trouvé informé et consulté à chaque étape de ce travail, chacune de ses directives a été prise en compte par le jury et par sa présidente. Qui plus est, le rapport de la session 2022 du Capes-Cafep de philosophie, validé et publié par le MENJ, a publiquement explicité les nouvelles modalités des épreuves orales et servi de base pour les candidats qui préparaient la session 2023 du concours.
Cette décision d’éviction de madame Sylvia Giocanti constitue donc un véritable coup de force et témoigne non seulement d’un inacceptable manque de considération pour elle et pour ses fonctions, mais encore d’une inquiétante remise en cause, par la DGRH, de la souveraineté des travaux du jury, pourtant garantie par les qualités académiques et professionnelles et la probité de son directoire. La soudaineté et l’absence de justification accompagnant l’éviction de madame Sylvia Giocanti fragilisent grandement l’indispensable relation de confiance qui doit exister entre les enseignants de philosophie du secondaire et du supérieur (parmi lesquels sont recrutés les membres du jury), d’une part, la DGRH et le Ministère de l’éducation nationale et de la jeunesse que celle-ci est réputée servir, d’autre part.
En mettant ainsi en cause le travail que madame Sylvia Giocanti et son jury ont consacré à l’application de la réforme des concours, cette sanction nourrit également une vive inquiétude sur la possibilité que se maintienne à l’avenir l’équilibre atteint – et unanimement salué par la communauté académique – entre les exigences disciplinaires et l’exacte prise en compte de la dimension professionnelle voulue par la dernière réforme du Capes-Cafep. Cet équilibre atteint grâce à l’investissement sans faille des jurys des sessions de 2022 et de 2023, en assurant le haut niveau scientifique de ce concours, doit permettre à la philosophie de jouer le rôle si particulier qui est le sien dans le système éducatif français, dont elle contribue à forger l’identité.
Remettre en cause cet équilibre, c’est aussi remettre en cause un grand nombre de formations universitaires, en particulier les masters « MEEF », et menacer à terme non seulement la recherche française en philosophie, mais aussi le recrutement de professeurs de philosophie du secondaire qui, pour l’instant, échappe encore à la crise qui affecte notre système d’enseignement. Car nous savons, pour être à leur contact, que si beaucoup d’étudiants continuent à se destiner à l’enseignement de la philosophie, c’est en très grande partie parce que ces concours réservent encore une place importante à la dimension disciplinaire.
Nos demandes
En conséquence, nous, signataires de ce texte, demandons le maintien dans ses fonctions de présidente du jury de Madame Sylvia Giocanti et l’assurance que les futurs jurys pourront continuer d’organiser leurs travaux, les épreuves et le recrutement des candidats selon les exigences spécifiques de la discipline et dans le respect extensif de la réglementation en vigueur, conformément aux conditions exposées dans le rapport de la session 2022 du Capes-Cafep externe de philosophie. Ces demandes ne sont que celles du respect pour la discipline « philosophie », pour ses professeurs et pour le travail accompli en toute indépendance par les jurys chargés de les recruter.
Il y a fort à craindre qu’en l’absence d’un tel respect, les signataires de cette pétition, collègues de l’Université comme du secondaire, considèrent que, dans l’état actuel des choses, les conditions ne sont pas réunies pour qu’ils puissent siéger ou continuer à siéger dans les jurys des concours de recrutement.
Nous espérons pouvoir compter sur notre ministre et sur notre ministère pour soutenir une démarche approuvée à l’unanimité par les membres des jurys des sessions 2022 et 2023 du Capes-Cafep de philosophie, mais aussi par l’ensemble de la communauté académique, en vue de garantir les conditions d’intégrité, d’indépendance et de scientificité des concours de recrutement des professeurs de philosophie.
Pour signer la pétition : Google Sheets: Sign-in