Anne Genetet annonçait, jeudi 3 octobre dans un discours devant les recteurs[1], qu’elle allait sans tarder reprendre avec son collègue de l’Enseignement supérieur et de la Recherche le projet de réforme du recrutement des enseignants suspendu cet été par Nicole Belloubet. La nouvelle ministre de l’Éducation nationale démontre, elle aussi, son indifférence envers les associations disciplinaires et les organisations syndicales qui, dans leur grande majorité, ont dénoncé ce projet de réforme. L’annonce d’une suppression de plus de 4 000 postes d’enseignants[2] ne peut que mettre en doute le sérieux avec lequel est prise en compte la fonction enseignante.
Rappelons-en les principaux traits. Le concours du Capes et du Capet ferait l’objet d’un recrutement d’étudiants en cours de licence 3. Ceux-ci seraient ensuite formés pendant deux années de master au sein d’ « écoles normales supérieures du professorat », débouchant sur leur titularisation. La formation reçue serait supposée garantir le rattrapage du déficit de maîtrise disciplinaire, en même temps qu’assurer le savoir-faire didactique nécessaire pour mettre en œuvre l’acquisition des contenus par les élèves. Dès la deuxième année, les étudiants recrutés disposeraient du statut de fonctionnaires-stagiaires et seraient chargés d’un demi-service d’enseignement. Des rétributions sont prévues au cours de ces deux années. Elles ont toutefois fait l’objet d’une communication brouillée.
La Conférence des associations de professeurs spécialistes ne peut accepter le choix qui est fait, sous prétexte de reconstituer un vivier de recrutement plus large, d’avancer le Capes et le Capet au second semestre de la troisième année de licence. Elle dénonce le simplisme d’une méthode consistant à abaisser le niveau d’exigence sur le plan de la maîtrise disciplinaire. Comment prétendre élever le niveau d’exigence auprès des élèves si on abaisse le niveau de formation universitaire exigé pour le recrutement de leurs enseignants ? Comment ne pas voir que cela abîmera encore un peu plus l’image du métier dont on prétend vouloir restaurer l’attractivité ? Il est peu crédible que des années de formation postérieures au concours, et dont la deuxième impliquerait une entrée de plain-pied dans le métier, puissent réellement être consacrées à un approfondissement des connaissances. Enfin, ce projet de réforme creuserait un peu plus le fossé entre le Capes et le Capet, d’une part, et l’agrégation, d’autre part, du point de vue des exigences disciplinaires.
C’est dans la revalorisation salariale, dans l’accompagnement des premières années de carrière, dans le redressement de la formation continue et dans la restauration de la sérénité dans les établissements qu’il faut chercher les solutions.
En conséquence, la Conférence demande :
- que l’actuel projet de décret soit définitivement abandonné ;
- que tout projet futur exclue un recrutement dont les candidats pourraient ne pas être encore titulaires d’une licence complète et que le Capes puisse faire l’objet d’une année de préparation spécifique ;
- que l’épreuve d’admission dite d’ « entretien », impropre à un concours de recrutement d’enseignants et source d’inacceptable arbitraire, soit supprimée et remplacée par une épreuve disciplinaire ;
- que les règles du concours ne soient en aucune façon de nature à en fermer l’accès, totalement ou partiellement, à des candidats issus de parcours divers, y compris de parcours de recherche.
La Conférence tient également à rappeler la nécessité impérative, pour les enseignants, de pouvoir accéder à une formation continue de qualité, sans laquelle l’exercice serein du métier et donc son attractivité sont mis en danger. À ce titre :
- la Conférence demande que cette formation ne prenne pas prétexte des légitimes exigences didactiques pour négliger les contenus disciplinaires, mais au contraire ne les dissocie jamais de ces derniers ;
- elle demande également que cette formation s’inscrive sur le temps de travail des enseignants, y compris sur les heures devant élèves ;
- elle réitère ses protestations contre les incitations ministérielles à déplacer la formation hors des heures de cours[3]et s’émeut de voir l’IGÉSR entériner cette voie de l’alourdissement des charges des professeurs[4] ;
- elle demande également que soit facilité l’engagement des enseignants dans un travail de recherche universitaire, poursuite d’études propice à la qualité de leur enseignement, mais objectif le plus souvent abandonné parce que quasiment impossible à atteindre dans l’état actuel des choses.
Signataires
APBG (Association des professeurs de biologie et de géologie)
APHG (Association des professeurs d’histoire et de géographie)
AP Lettres (Association des professeurs de lettres)
APMEP (Association des professeurs de mathématiques de l’enseignement public)
APPEP (Association des professeurs de philosophie de l’enseignement public)
APSES (Association des professeurs de sciences économiques et sociales)
APSMS (Associations des professeurs de sciences médico-sociales)
CNARELA (Coordination nationale des associations régionales d’enseignants de lagues anciennes)
UdPPC (Union des professeurs de physique et de chimie)
[1] https://www.aefinfo.fr/depeche/718888-formation-des-enseignants-anne-genetet-annonce-reprendre-la-reforme-afin-d-aboutir-pour-la-session-2026-des-concours
[2] https://www.societedesagreges.net/actualite/communique/education-nationale-un-budget-2025-inacceptable/
[3] https://conferenceassociations.blogspot.com/2023/10/communique-sur-la-formation-continue.html
[4] https://www.aefinfo.fr/depeche/718793-l-igesr-recommande-d-instaurer-une-obligation-de-18-heures-de-formation-continue-pour-les-enseignants-du-2nd-degre