Rencontre de l’APPEP avec Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, le 1er décembre 2017
L’APPEP a été reçue par Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, accompagné d’Isabelle Bourhis, conseillère sociale, partenariats et vie scolaire.
La délégation de l’APPEP était composée de Nicolas Franck, président, Didier Brégeon et Marie Perret, vice-présidents, et Pierre Hayat, membre du Bureau national.
Monsieur Blanquer tient d’emblée à nous rassurer : il nous signifie son attachement à l’enseignement de la philosophie, qui n’est nullement menacé et qui pourrait même être étendu à la faveur de la réforme en cours. Mais il souligne avec insistance que rien n’est encore établi. La consultation n’est pas terminée. Elle sera suivie d’une phase d’arbitrage, elle-même suivie d’une concertation avec les partenaires sociaux.
Nous avons rappelé que l’enseignement de la philosophie apporte aux élèves un recul critique et leur permet un travail de conceptualisation et de clarification de leurs pensées. Le besoin d’un enseignement élémentaire de la philosophie est aujourd’hui plus que jamais reconnu par tous. Il ne peut être satisfait que s’il est effectivement libre, critique et laïque.
Nous soulignons qu’un programme des notions les plus communes, qui font écho à l’expérience de chacun, parce qu’il est sans orientation doctrinale, est la condition d’un tel enseignement.
Nous précisons que les élèves ont besoin de temps pour entrer dans la réflexion, interroger les présupposés de leurs discours et instaurer un dialogue réfléchi avec soi-même et les autres. À défaut, l’enseignement de la philosophie risque de leur apparaître comme un combat d’opinions stérile, sophistique et agonistique, alors qu’il a vocation à former au dialogue apaisé par une élucidation raisonnée des représentations et des situations.
L’APPEP demande donc que tous les élèves bénéficient d’au moins quatre heures de philosophie en classe terminale, lieu naturel de l’enseignement de la philosophie.
Le ministre manifeste son accord avec le principe d’un programme des notions les plus communes, dégagé de toute orientation doctrinale. Il estime légitimes nos besoins horaires, mais ne peut s’engager sur ce point. Il souligne que les élèves ne consacrent pas assez de temps à la lecture et nous invite à réfléchir aux moyens de la favoriser.
Nous répondons que les cours de philosophie sont la condition d’une appropriation des œuvres philosophiques. Nous précisons que le travail de lecture est inséparable d’un travail d’écriture, notamment de dissertations et d’explications de texte, que les professeurs demandent communément à leurs élèves. Nous apprenons au ministre l’existence du Prix lycéen du livre de philosophie, qui offre aux élèves l’occasion de lire et de découvrir des ouvrages de philosophie contemporaine. Il s’est montré très intéressé par ce Prix, qu’il souhaite encourager.
Le ministre nous interroge sur la pertinence d’une présence de la philosophie dans les classes du primaire. Nous répondons qu’elle nous semble être du ressort des professeurs des écoles, mais que les professeurs de philosophie du secondaire et du supérieur ont vocation à former les professeurs des écoles dans la perspective de cet enseignement. Au-delà, nous rappelons que la place concédée à la philosophie dans la formation initiale des enseignants est dérisoire et nous disons notre souhait que les professeurs de philosophie y jouent un rôle plus important. Le ministre nous rejoint sur ce point.
Le ministre nous interroge également sur l’introduction de la philosophie dans les lycées professionnels. Nous répondons être favorables au principe d’une introduction, progressive, réfléchie et concertée d’un tel enseignement, qui s’intégrerait à la vie et à la structure des lycées professionnels. Nous ne pouvons donc nous satisfaire d’« interventions » superficielles et artificielles, et souhaitons que la philosophie puisse devenir l’une des disciplines des concours de recrutement de professeurs de lycée professionnel.
Le ministre s’inquiète de la sélectivité des concours de recrutement en philosophie. Nous lui répondons qu’elle reste très élevée et qu’il serait temps d’ouvrir davantage de postes, au lieu d’en baisser le nombre, comme cela est prévu pour la prochaine session. Nous soulignons tout particulièrement la situation difficile des contractuels, auxquels il est, en philosophie, excessivement fait recours.
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Nous sommes ensuite longuement interrogés sur l’EMC. Nous rappelons l’implication de l’APPEP pour cet enseignement. Elle a mis à la disposition de nombreuses et riches ressources utiles aux professeurs de toutes les disciplines. En effet, sur les questions au programme d’EMC en classe terminale, la bioéthique et la laïcité, la philosophie apporte aux élèves une approche conceptuelle et réfléchie. Nous déplorons que cet enseignement ne soit pas que très rarement proposé aux professeurs de philosophie, et que ceux qui le demandent ne l’obtiennent qu’exceptionnellement. Nous excluons toute concurrence avec d’autres disciplines, comme le colloque de l’APPEP et de l’APHG en décembre 2015 l’a mis en évidence. Nous constatons que l’Inspection générale d’histoire-géographie soutient cet enseignement et nous nous sommes félicités de notre propre collaboration avec le groupe Établissements et vie scolaire de l’Inspection générale.
Nous demandons la réécriture de la note de la Dgesco du 9 février 2015 sur l’attribution de l’EMC en vue de la circulaire de rentrée 2018.
La question de la réforme en série STHR a été amplement évoquée. Nous avons une nouvelle fois regretté que le rapport tiré de l’expérimentation menée dans quatre académies au premier trimestre 2016 n’ait pas été rendu public, et avons fait la demande insistante qu’il soit enfin publié. Il n’est pas concevable qu’une expérimentation ne soit pas suivie d’un bilan officiel. Nous avons, en outre, déploré que nos amendements apportés à la maquette initiale de la Dgesco et de l’Inspection générale n’aient pas été retenus dans la version publiée au BO, alors qu’ils avaient été acceptés lors de la réunion de travail de février 2017. Nous avons redit nos critiques de la nouvelle épreuve de « composition », qui, en multipliant les questions, ajoute aux difficultés des élèves. Nous demandons aujourd’hui qu’un bilan sincère et public soit tiré de la session 2018 du baccalauréat STHR, et qu’aucune généralisation de cette épreuve ne soit envisagée avant une concertation sereine de tous les professeurs, et particulièrement ceux qui enseignent dans la voie technologique. Aucune réforme des épreuves ne saurait être imposée aux professeurs de philosophie.
Compte tenu de l’urgence des dédoublements dans la voie technologique, nous demandons que la circulaire de rentrée 2018 en mentionne le besoin.
Nous avons également demandé l’avancement de l’épreuve de philosophie pour la session 2018 du baccalauréat. Afin de permettre aux correcteurs de disposer de leurs copies le vendredi matin 15 juin au plus tard, nous avons demandé à ce que l’épreuve de philosophie se tienne le mercredi 13 juin.
En nous appuyant sur le rapport de l’APPEP sur la session 2017 du baccalauréat, nous avons déploré l’inégale qualité de l’organisation de l’examen selon les académies et les dysfonctionnements particulièrement sensibles dans les trois académies franciliennes.
Toutes ces demandes sont apparues légitimes, mais aucun engagement n’a été pris.
À notre demande, il nous a été promis que l’APPEP sera reçue dans le cadre de la concertation prévue au printemps prochain sur la réforme du baccalauréat et du lycée.