L’APPEP a été invitée par Monsieur Jean-Marc Huart, Directeur de l’enseignement scolaire, dans le cadre des échanges menés par la Dgesco avec les associations et les syndicats, parallèlement à la consultation sur les projets de programme.
Nous sommes reçus le 29 novembre 2018 par Jean-Marc Huart, Directeur général de l’enseignement scolaire, David Muller, Chef du bureau des contenus d’enseignement et des ressources pédagogiques, et Muriel Grébert, chargée d’études au bureau des contenus d’enseignement et des ressources pédagogiques. L’Appep était représentée par Nicolas Franck (président) et Pierre Hayat (membre du bureau national). Également conviée, l’Acireph était représentée par Frédéric Le Plaine, Cécile Victorri et Serge Cospérec.
L’objet principal de la rencontre était le projet de programme de Première de la spécialité HLP.
L’entretien s’est déroulé en deux temps, le directeur n’ayant pu assister à la totalité de l’entretien, laissant à ses collaborateurs le soin de poursuivre l’échange.
La consultation
M. Huart nous informe que le CSE se réunira les 18 et 19 décembre pour examiner les 75 projets de programme qui doivent s’appliquer à la rentrée prochaine. Les projets de programme définitifs seront présentés à une commission préparatoire qui se tiendra la semaine du 10 décembre. L’Appep s’étonne d’un calendrier aussi contraint. Nous demandons si les résultats de la consultation seront rendus publics et à quelle date. Il nous est répondu que les résultats seront publiés pour la commission préparatoire qui doit se tenir la semaine du 10 décembre. L’Appep s’inquiète d’une précipitation qui ne laisse au GEPP aucun temps pour prendre connaissance des résultats de la consultation.
Il nous est indiqué que sur 150 000 professeurs interrogés, 10 000 environ, toutes spécialités et disciplines confondues, ont répondu. S’agissant du programme HLP, M. Huart nous apprend, à notre surprise, que le programme serait plutôt bien accueilli. Mais il nous précise que seules les questions fermées, qui peuvent être traitées numériquement, ont été à ce jour prises en compte. Les questions ouvertes seront également dépouillées.
Le cadrage horaire
Nous rappelons notre demande de clarification du cadrage horaire par l’inscription au BO d’une répartition égale de l’horaire en Première et en Terminale entre les professeurs de lettres et de philosophie : 2 h en Première, 3 h en Terminale. Cela mettrait cet enseignement à l’abri de malentendus et de mauvaises surprises. Le Directeur en prend bonne note. Il précise cependant que cet enseignement n’a pas été conçu comme la somme de deux enseignements séparés. Nous répondons que rien ne s’y oppose ; au contraire. Il nous est alors demandé si une telle séparation empêcherait la collaboration des professeurs de lettres et de philosophie. Nous répondons qu’une séparation des deux disciplines est nécessaire pour rendre possible leur fructueuse collaboration, souhaitée par tous.
L’initiation à la philosophie
Nous rappelons que le programme de HLP, tel qu’il est actuellement prévu, est complètement inapproprié à des élèves de 16 ans qui découvrent la philosophie. Une vaine tentative d’érudition ne rendra pas aux élèves les services d’une véritable initiation à la philosophie, à partir de leur expérience familière et de leurs représentations ordinaires. Un programme de notions pourrait offrir le cadre d’un tel enseignement d’initiation.
Nous précisons qu’un enseignement de découverte de la philosophie doit être proprement philosophique, et être impérativement assuré par des professeurs de philosophie, formés à cette fin. À la différence de la littérature, la philosophie est ignorée des élèves qui entrent en Première. Comment ces élèves parviendront-ils à découvrir la philosophie à travers un enseignement qui pourrait être exclusivement dispensé par un professeur de lettres, dans le cadre d’un programme qui ne serait pas un programme de philosophie ? Une telle rencontre peu pédagogique avec une discipline complètement nouvelle pour les élèves, les incitera-t-elle à persévérer en Terminale ? Et ne risque-t-elle pas de leur donner une image confuse de l’enseignement commun de philosophie dispensé en Terminale ? Nos interlocuteurs prennent bonne note de nos analyses et de nos interrogations.
L’épreuve d’examen
Nous disons notre surprise de l’absence de définition des épreuves dans l’actuel projet de programme. Il nous est répondu qu’à la demande des organisations syndicales, le CSP a reporté cette définition à une date dont nous apprenons qu’elle est indéterminée, et en tout état de cause postérieure à la réunion du CSE. Nous rappelons l’exigence d’une épreuve en deux parties distinctes, chacune corrigée par un professeur de la discipline concernée. Le Directeur nous dit ne pas être en désaccord avec cette demande.
L’implantation de HLP
Nous relayons le désarroi des professeurs de philosophie dont le lycée est doté d’une L d’un apport intellectuel et personnel incomparable pour des générations d’élèves, qui réussissent fort bien à l’examen. Les élèves de ces lycées devront désormais se préparer à changer d’établissement s’ils souhaitent suivre la spécialité HLP, au motif que le nombre de candidats inscrits à cette spécialité est inférieur à 35. Nous évoquons le cas emblématique du lycée Jean-Lavezzari de Berck-sur-Mer (Pas-de-Calais), dont la filière L disparaîtra l’année prochaine. Malgré la création d’un concours d’éloquence, dont le succès depuis cinq ans, assure le rayonnement régional de la filière littéraire, le rectorat n’a pas prévu d’ouvrir la spécialité HLP dans l’établissement, alors même que 28 élèves de Seconde ont demandé à suivre cet enseignement. La seule solution qui leur est proposée est de poursuivre leur scolarité à Boulogne-sur-Mer, soit à 40 km ! Nous nous inquiétons de cette gestion aveugle et demandons la publication dans chaque académie de la carte de répartition des spécialités.
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Nous pointons quelques éléments embarrassants de la réforme.
La prise en compte des notes des épreuves de spécialité dans Parcoursup
Nous interrogeons nos interlocuteurs sur la difficulté technique d’intégrer les notes des épreuves de spécialité, passée à la rentrée des vacances de printemps, à Parcoursup. Il nous est répondu que le ministère y travaille avec l’assurance d’y parvenir. Nous restons dubitatifs.
L’absentéisme
Nous soulevons l’inquiétante question d’une inéluctable aggravation sensible de l’absentéisme des élèves de Terminale : après les épreuves communes du deuxième trimestre, 12 h hebdomadaires de cours compteront pour une part insignifiante (1,2 %) de l’examen ; et après les épreuves de spécialité passées début mai, il ne restera aux élèves d’utile pour le baccalauréat que 4 h hebdomadaires de philosophie et quelques cours de préparation au grand oral. L’APPEP alerte le ministère depuis février dernier du risque d’institutionnalisation d’un absentéisme, massif et généralisé, des élèves de Terminale dès le début du printemps.
Nous demandons si la réflexion engagée sur le dispositif permettant de garantir l’assiduité des élèves dont nous a parlé M. Kerrero lors des audiences accordées à l’APPEP en février et en août dernier a abouti. Nous n’obtenons aucune réponse.
La libre combinaison des spécialités par les élèves
Nous interrogeons nos interlocuteurs sur l’association des spécialités. Les élèves pourront-ils librement se déterminer, en combinant les spécialités comme ils l’entendent, au risque de désorganiser la structure des établissements et de rendre les services des enseignants irréalisables, compte tenu des contraintes organisationnelles de toutes sortes ? Ou alors, des menus seront-ils imposés aux élèves, au risque de contredire l’arrêté du 16 juillet 2018 qui prévoit qu’« en classe de première, l’élève choisit trois enseignements de 4 heures hebdomadaires dans la liste proposée [et qu’] en classe de terminale, l’élève choisit deux enseignements de 6 heures hebdomadaires parmi ceux déjà choisis ». Nos interlocuteurs enregistrent soigneusement nos interrogations.
L’usage de l’enveloppe horaire
Nous questionnons sur l’usage préconisé de l’enveloppe horaire, qui prévoit 8 h hebdomadaires par division laissée à la disposition des établissements. Sera-t-elle utilisée pour l’AP, les dédoublements, les enseignements de spécialité ? Nous n’obtenons pas de réponse.
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Pour finir, nous disons notre mécontentement de n’avoir pu être reçus par le GEPP chargé du programme d’HLP, malgré nos demandes insistantes.
Nous demandons à être reçus par le GEPP chargé du projet de programme d’enseignement commun et par le GEPP chargé de l’EMC. Nous rappelons que les professeurs de philosophie ont pleinement vocation à prendre en charge l’EMC et que les projets de programmes le confirment.
Nous demandons que l’épreuve de philosophie pour la session 2019 du baccalauréat se déroule le jeudi 13 juin.
Nous remercions nos interlocuteurs pour la cordialité qui a présidé à nos échanges, promis à se poursuivre.
Compte rendu rédigé par Nicolas Franck et Pierre Hayat.