Le mardi 2 mars 2021, l’APPEP était invitée à une réunion en visioconférence organisée par la DGESCO sur l’organisation des épreuves de la session 2021 du baccalauréat.
Le ministère était représenté par Rachel-Marie Pradeilles-Duval, Cheffe du Service de l’instruction publique, Laurent Bergez, chef du Bureau des programmes et Frank Burbage, Doyen du groupe de philosophie de l’Inspection générale.
L’APPEP était représentée par Nicolas Franck, président, et Pierre Hayat, vice-président.
L’ACIREPh et la SOP.P.HI étaient également représentées.
Madame Pradeilles-Duval indique l’objet de la réunion : l’organisation des épreuves de la session 2021 du baccalauréat, et plus particulièrement celle de la dématérialisation des copies.
La SOP.P.HI et l’ACIREPh font observer que l’invitation qu’elles ont reçue annonçait une réunion organisée « suite à une demande d’éclaircissement sur le statut des Recommandations concernant le travail dans les classes de philosophieémanant de l’APPEP ». Il n’était donc pas question de l’organisation du baccalauréat.
Laurent Bergez propose de programmer une réunion sur les recommandations.
En revanche, l’ordre du jour reçu par l’APPEP trois jours avant la réunion mentionnait bien l’organisation de la prochaine session du baccalauréat. Nous nous étonnons néanmoins que la réunion ait un objet aussi restreint, d’autant qu’on nous annonce que la réunion de travail tournera autour de la question de la numérisation des copies d’examen, qui est une question mineure au regard de la situation alarmante de l’enseignement de la philosophie et des conditions de travail très dégradées des professeurs de philosophie du fait des réformes. Nous rappelons avoir multiplié depuis un an des courriers à la DGESCO pour demander des éclaircissements sur les nombreux sujets qui concernent l’enseignement de la philosophie, sans n’avoir jamais reçu de réponses autres qu’évasives.
Nous rappelons nos demandes de mai et septembre dernier d’une adaptation du programme pour tenir compte des effets du confinement de l’année dernière et des incertitudes liées à la pandémie pour l’année en cours. Nous avons demandé en novembre un doublement du nombre de sujets de l’épreuve de philosophie. Avec l’APSES, nous avons adressé au ministre des propositions sur l’EMC, dont son cabinet nous a dit qu’elles avaient été transmises à la DGESCO. Sur tous ces sujets de préoccupations légitimes des professeurs de philosophie, nous n’avons reçu aucune réponse.
Avec la Conférence des associations de professeurs spécialistes et les dizaines de milliers de signataires d’une pétition, nous avons également demandé le report à juin des épreuves de spécialité et la suspension du Grand oral. En annulant les épreuves de spécialité et en maintenant le Grand oral, le ministère a décidé de faire le contraire, ce qui revient à affaiblir davantage encore le caractère national du baccalauréat, à aggraver les inégalités entre les candidats selon leur établissement d’origine et à alourdir la charge de correction des professeurs de philosophie en juin, jusqu’à la rendre insupportable.
Nous regrettons qu’il ne soit pas possible d’aborder ces questions.
À propos des épreuves de la session de juin du baccalauréat, l’APPEP demande :
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que les professeurs de philosophie convoqués pour le Grand oral soient dispensés de la correction de l’écrit ;
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que dans les jurys du Grand oral deux professeurs, l’un de lettres, l’autre de philosophie soient présents pour les sujets d’HLP, seule spécialité bi-disciplinaire.
Laurent Bergez nous informe que la lettre que l’APPEP a adressée avec l’APSES au ministre pour faire des propositions sur l’EMC a été transmise récemment au bureau des contenus pédagogiques et des langues et qu’il y sera bientôt apporté une réponse.
Madame Pradeilles Duval répond à l’APPEP :
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Elle ne souhaite pas revenir sur la demande de la Conférence de reporter à juin les épreuves de spécialité et de suspension pour cette année du Grand oral.
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Elle rappelle que pour l’épreuve de philosophie, les candidats disposeront en juin d’un choix de trois sujets de dissertation, au lieu de de deux habituellement, et d’un sujet explication de texte. L’objectif est d’ouvrir le champ pour que les candidats aient plus de choix pour tenir compte des conditions particulières de cette année scolaire. Cette décision a été prise pour alléger la pression qui pèse sur les élèves et les professeurs.
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Elle nous informe que la correction des copies de l’épreuve de philosophie sera dématérialisée.
Nous lui répondons que nous connaissions cette note de service et continuons de demander un doublement du nombre de sujets : quatre sujets de dissertation et deux sujets d’explication de texte. Cette proposition que nous avons faite en novembre dernier est plus nécessaire encore aujourd’hui, car les « cours hybrides » se poursuivent au-delà de ce qui était envisagé à l’automne. Avec seulement quatre sujets, les candidats qui n’ont eu que la moitié de leurs cours auront finalement moins de choix qu’avec trois sujets au terme d’une année normale. Bien loin « d’ouvrir le champ » des choix, cette solution le restreint.
Le doyen du groupe de philosophie de l’inspection générale intervient alors très longuement sur différents sujets.
— La question du nombre de sujets pour l’épreuve de philosophie a été travaillée très précisément lors d’un séminaire de l’inspection avec la Dgesco. Toutes les hypothèses ont été envisagées. Comme les sujets ne sont pas rapportés exclusivement à telle ou telle notion du programme, lesquelles ne constituent pas des chapitres différents, il avait été envisagé de maintenir trois sujets, en comptant sur le caractère décloisonné de notre tradition scolaire, qui n’est pas d’ailleurs sans poser un certain nombre de problèmes. Notre tradition institutionnelle aurait dû permettre de s’en tenir à trois sujets. Au terme des discussions, il a été décidé d’ajouter un sujet comme relatif élargissement. Si l’on demande cinq ou six sujets, pourquoi pas dix-sept puisqu’il y a dix-sept notions. Chaque sujet peut être pris sous une variété de perspectives selon le cours qui a été conduit par le professeur. Un sujet n’a pas à être référé à un contenu qui aurait été déterminé à l’avance. Il aurait été par ailleurs difficile, compte tenu de l’urgence, d’ajouter un texte qui demande des vérifications spécifiques et importantes. En outre, compte tenu de la difficulté de lecture du texte pour les élèves n’était pas un service à leur rendre. L’ajout d’un quatrième sujet n’est pas une solution parfaite, mais un ajustement conjoncturel le meilleur possible. Les IA-IPR qui piloteront les réunions d’entente et d’harmonisation tiendront compte des circonstances particulières dans lesquelles les professeurs et leurs élèves ont travaillé cette année.
— La question du passage au contrôle continu des épreuves de spécialité n’est pas anodine. Elle met en question la distinction entre notes formatives et notes certificatives rendue possible par l’épreuve terminale. L’IG a produit un guide de l’évaluation, qui respecte la liberté pédagogique des professeurs, et leur fait confiance dans l’établissement d’une notation raisonnable. Celle-ci demande un travail en équipe dans les établissements et un dialogue avec les IA-IPR. Les professeurs sont invités à prendre contact avec leurs IA-IPR ou même avec l’IG.
— Des consignes ont été données aux DEC pour que les professeurs de philosophie convoqués pour le Grand oral aient moins de copies à corriger pour alléger relativement leur double charge de travail.
— Pour le Grand oral, le cadre réglementaire rend impossible d’organiser des jurys à trois personnes. Les deux groupes disciplinaires de lettres et de philosophie se sont entendus pour que les exposés des élèves, que leur orientation soit plutôt philosophique, plutôt littéraire ou à l’intersection des deux disciplines, soient évalués indifféremment par un professeur de lettres ou de philosophie. Au regard du caractère modeste de l’épreuve, cinq minutes d’exposé et dix minutes d’interrogation sur ce que les élèves présentent, et dans la mesure où les professeurs de philosophie et de lettres ont coopéré pendant l’année, ils peuvent accueillir tous les exposés.
— Il ne faut donner aux Recommandations un statut qu’elles n’ont pas. Les textes d’accompagnement ne sont que des textes d’accompagnement. Il a été souhaité par le ministre que toutes les disciplines explicitent leurs attendus, contre une espèce de formule ésotérique qui prévalait jusque là. Ces explications sont particulièrement utiles aux jeunes professeurs et aux contractuels. Mais ces éléments de recommandation ne sont pas des textes réglementaires, ce ne sont pas des normes dures. La liberté pédagogique des professeurs reste entière. Un professeur peut ne pas suivre ces recommandations, pourvu que son travail s’inscrive dans le cadre réglementaire des programmes et qu’il puisse faire la démonstration auprès de son IA-IPR que ses élèves font bien de la philosophie et progressent. Les textes des recommandations sont le résultat d’un effort collégial de la DGESCO et des IPR. Ils sont perfectibles. Il ne convient pas de leur prêter une dimension normative qu’ils ne sont pas destinés à avoir.
— Sur l’EMC, le groupe de philosophie de l’IG considère que les professeurs de philosophie doivent pouvoir assurer cet enseignement, soit complètement, soit de manière interdisciplinaire. Un travail en conseil pédagogique pour une coopération intellectuelle de différentes disciplines est très utile. Mais il n’y a pas de formule prédéterminée. L’EMC est l’affaire de tous, pas seulement d’histoire-géographie, de SES ou de philosophie. On peut même imaginer que les heures ne soient pas affectées de manière hebdomadaire, mais regroupées lors d’événements EMC concentrés sur une ou plusieurs semaines pendant l’année.
— L’option DGEMC est très demandée. Un plan national de formation (PNF) est en préparation, pilotée par la DGESCO et les IG d’éco-gestion, de SES et de philosophie. Il est envisagé l’assouplissement des manières pour les professeurs d’accéder à cette responsabilité. Il ne sera plus nécessaire d’avoir fait Sciences Po ou d’avoir une licence de droit, mais il suffira d’avoir « rencontré le droit » pendant ses études ou lors de ses expériences professionnelles.
— L’intention générale du ministre est que les épreuves puissent avoir lieu, aussi bien pour le baccalauréat que pour les concours de recrutement.
— La dématérialisation de la correction des copies. Elle s’appuie sur l’expérience accumulée avec le concours général, le Capes et l’agrégation. Elle ne pose aucun problème et va faciliter la transmission des copies. Comme nous n’avons pas de barème en philosophie, mais, grâce aux documents d’accompagnement, des échelles d’évaluation, il est très important que les commissions d’entente et d’harmonisation conservent leur rôle éminent et que la dématérialisation des copies n’enferme pas les correcteurs dans leur solitude. La commission d’entente de l’agrégation en présentiel est maintenue.
Rachel-Marie Pradeilles-Duval évoque des contraintes d’organisation pour les réunions d’entente et d’harmonisation liées à la pandémie. Si les conditions sanitaires le permettent, elles auront lieu comme à l’accoutumée. Sinon, il faudra envisager qu’elles se tiennent selon des modalités différentes. Elle précise que la dématérialisation permet l’échange entre les correcteurs via un forum, et ainsi de prolonger la réunion d’entente.
Frank Burbage revient sur la modification du nouveau baccalauréat pour la philosophie : l’explication de texte pour la voie technologique. La liberté pédagogique doit primer : si certains professeurs ne se reconnaissent pas dans l’option B, à savoir la série de questions permettant aux élèves de composer leur copie, qu’ils apprennent aux élèves à faire autrement et les commissions d’entente et d’harmonisation jugeront.
À propos des Recommandations, nous nous inquiétons que certains IA-IPR puissent avoir une conception assez rigide des « normes souples », notamment sur le nombre de devoirs en temps limité.
Nous demandons par ailleurs si la consigne de l’explication de texte en série générale se limite à la formule : « Expliquer le texte suivant ».
Frank Burbage répond :
— Les IA-IPR sont sous l’autorité des recteurs, mais la norme souple est bien une norme souple et il faudra le rappeler lorsque ce sera nécessaire.
— La consigne « Expliquer le texte suivant » est maintenue. En revanche la mention « La connaissance de la doctrine de l’auteur n’est pas requise. Il faut et il suffit que l’explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question » qui suivait le texte est supprimée, mais l’esprit de l’exercice ne change pas.
— La question des devoirs en temps limité est une question majeure. Il est de plus en plus difficile d’organiser des devoirs en temps limité, alors même qu’il y a une épreuve terminale de philosophie. Il faut pouvoir s’y entraîner. Il faut une appropriation progressive de cette temporalité de longue haleine. La difficulté d’organisation des devoirs en temps limité est un objet d’inquiétude pour l’IG. Un bac blanc ne suffit pas. Le nombre de devoirs indiqué dans les Recommandations doit offrir un appui aux professeurs de philosophie dans les conseils pédagogiques pour demander des devoirs en temps limité en se recommandant des recommandations.
La réunion, commencée à 16 h, était prévue pour durer une heure. Pris par d’autres obligations, nous la quittons à 17 h 10.
Commentaires de l’APPEP
Compte tenu de la brièveté et du caractère désordonné de cette réunion tenue en visioconférence, nous détaillons ici les remarques que nous n’avons pu faire alors.
Sur l’épreuve du baccalauréat. Nous regrettons que notre proposition de doubler le nombre de sujets, et d’augmenter d’un quart d’heure la durée de l’épreuve afin de laisser aux candidats un temps suffisant pour choisir, n’ait pas été retenue. L’APPEP rappelle que chaque sujet de dissertation appelle une discussion sur une ou plusieurs notions aisément identifiables par le candidat tout en lui donnant l’occasion de mobiliser sa culture philosophique acquise par son travail de l’année. On ne saurait donc pousser à l’absurde la définition officielle des sujets d’examen en imaginant qu’un sujet unique permettrait de brasser l’intégralité du programme ou qu’à l’inverse chaque notion du programme imposerait un sujet qui ne saurait être rapporté aux autres notions du programme.
L’APPEP continue donc de demander, au minimum, un deuxième sujet-texte, même si le choix d’un texte demande des vérifications spécifiques.
Sur la correction. La tâche qui s’annonce est écrasante et presqu’impossible. Les professeurs convoqués pour le Grand oral ne pourront corriger les copies de l’épreuve de philosophie, seule épreuve terminale écrite du baccalauréat, qu’en soirée, après une journée d’interrogations. La diminution du nombre de copies à corriger dépend de la bonne volonté des DEC et il n’est pas certain qu’elle soit appliquée dans toutes les académies. Elle alourdira d’autant la tâche de correction des collègues qui ne seront pas de jury de Grand oral.
L’APPEP demande que les professeurs convoqués pour faire passer le Grand oral soient dispensés de la correction de l’écrit.
Elle demande corrélativement que l’épreuve de philosophie soit avancée de deux semaines, afin de permettre aux correcteurs dont le nombre de copies sera mécaniquement augmenté d’avoir le temps de travailler.
Sur la dématérialisation des copies. Nous nous inquiétons de ce « progrès », qui rend beaucoup plus difficile de feuilleter une copie. Nous nous inquiétons également de la surveillance électronique du travail des correcteurs qui pourrait en découler. Se pose enfin le problème de l’équipement informatique des collègues.
Sur les Recommandations. Nous avons pris bonne note qu’elles ne sont « que des recommandations » et veillerons à ce que qu’elles ne deviennent pas prescriptives.
L’APPEP considère que ce n’est pas aux professeurs de philosophie de négocier avec leurs collègues d’impossibles aménagements d’emploi du temps pour rendre possible les devoirs en temps limité.
L’APPEP demande donc qu’une circulaire ministérielle fasse obligation à l’administration des lycées d’organiser des plages de quatre heures pour permettre aux élèves d’être bien préparés à l’épreuve terminale.
L’APPEP demande que les heures supplémentaires de surveillance ne soient pas considérées comme des obligations de service mais soient rétribuées en HSE.
Sur l’EMC. L’APPEP et l’APSES demandent que le volume horaire de l’EMC soit de 1h hebdomadaire et que le travail en groupe à effectifs réduits soit systématisé, afin de viser les objectifs ambitieux fixés par les programmes de mettre à distance ses propres représentations, de développer l’esprit critique et d’organiser des discussions argumentées fondées sur un travail de recherche préalable.
L’APPEP et l’APSES demandent également que l’EMC soit attribuée prioritairement aux professeurs de SES en Seconde et de philosophie en Terminale. Sur ces deux niveaux du lycée, les élèves retrouveraient en EMC à la fois une discipline d’enseignement commun et leur professeur, créant ainsi les conditions de crédibilité de l’EMC auprès des élèves. L’ancrage disciplinaire de cet enseignement identifiable par les élèves à travers leur professeur contribue à prémunir contre le risque de transformer l’EMC en « catéchisme républicain ».
Une telle attribution prioritaire non contraignante permettrait de rendre enfin effectif le caractère pluridisciplinaire de cet enseignement. En revanche, l’incitation à concentrer l’EMC sur une ou plusieurs semaines dans l’année scolaire ne mettra pas un terme à l’octroi quasi exclusif dans les faits de cet enseignement à l’histoire-géographie, car une telle organisation imposerait une surcharge de travail supplémentaire aux professeurs déjà trop sollicités tout en privant les élèves d’un ancrage disciplinaire. Dissuasive parce que déraisonnablement chronophage dans un contexte de surcharge et souvent d’épuisement des professeurs, cette proposition aurait pour effet prévisible de maintenir le statu quo et ainsi de laisser perdurer la force de l’habitude.
L’APPEP observe en outre que l’insistance mise sur le regroupement de l’enseignement en une « semaine EMC » semble méconnaître l’attente officielle de l’attribution à chaque élève de trois notes au minimum, chacune correspondant à une capacité distincte des deux autres. Une contrainte abusive de l’évaluation sous la gouverne du chef d’établissement pèserait lourdement sur ce dispositif compliqué.
Au lycée, mais aussi au collège, les élèves auraient pourtant tout à gagner à retrouver régulièrement en EMC leur professeur qui ne soit plus seulement un professeur d’histoire-géographie. Ainsi, par exemple, un professeur principal de Sixième qui enseigne le français, l’EPS, une LV ou les SVT, pourrait avantageusement se voir confier cet enseignement, s’il est volontaire. Cette possibilité pourrait même être officiellement encouragée dans la mesure où elle est à la fois conforme aux missions d’un professeur principal de Sixième et à l’ambition de l’EMC d’établir une continuité entre le Primaire et le Secondaire. Elle montrerait concrètement comment peut se réaliser simplement l’ouverture légitime de l’EMC à toutes les disciplines.