IV.7 – Une école neutre parce que laïque

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L’enseignement moral et civique dispensé à l’école laïque peut-il être « neutre » tout en transmettant des principes et des connaissances qui dérangent l’Église catholique et les nostalgiques de l’Ancien Régime ? (voir textes IV.5, IV.6). D’après Buisson, ces deux exigences cessent d’apparaître contradictoires si l’on admet que l’instituteur a la mission de diffuser et de faire vivre un idéal de liberté politique et d’autonomie intellectuelle. Aussi, la neutralité de l’école laïque ne signifie nullement qu’on renonce à la liberté de la raison et à la démocratie. La neutralité laïque apporte au contraire aux élèves et aux enseignants l’assurance que l’école n’est pas soumise à un projet d’endoctrinement ou de propagande. Elle apparaît alors comme protectrice d’une pédagogie de liberté. L’école n’est pas laïque parce qu’elle est neutre. Elle est neutre pour être laïque : pour instruire dans la liberté.

 

Les instituteurs savent très bien le danger de l’enseignement moral et civique dont ils sont chargés. Ils savent qu’ils sont, non seulement les propagateurs, mais j’oserais dire, en reprenant un vieux mot des révolutions d’Italie, les « propugnateurs » de l’idéal laïque : vieux mot dont la langue aujourd’hui reproduit le sens en les appelant « des militants ». Ils militent, en effet, pour la République, et nul n’ignore ce qui leur en coûte. Mais en dépit de toutes les attaques et de toutes les injures auxquelles ils sont en butte, ils ne demandent qu’à continuer, à faire leur devoir et tout leur devoir. Nous n’acceptons pas que l’école soit neutre au sens absolu et total de ce mot, qui serait une insoutenable exagération. Dites qu’elle ne doit pas être une école de combat, mais accordez-nous que l’école fondée par la République est une école de défense et d’action républicaines. Non, sans doute, elle ne sera pas une école de haine, de lutte, une école de polémiques ; elle ne pourra, sous aucun prétexte, à aucun moment, se laisser envahir par les débats électoraux, par les compétitions locales des partis, par toutes les discussions qui doivent se passer ailleurs que chez elle. Qu’est-ce à dire, sinon qu’il faut définir le mot « neutre » par le mot « laïque » ? L’école n’est pas neutre tout court, elle l’est dans la mesure où elle peut l’être en restant laïque d’esprit, laïque de méthode, laïque de doctrine. Il faut qu’il soit bien entendu que ce n’est pas seulement du droit personnel du professeur et de sa liberté civique qu’il s’agit. Il s’agit de son droit et de son devoir de parler haut et ferme au nom de la raison, de ne jamais consentir à baisser pavillon par ordre devant une autorité quelconque. 

 

Ferdinand BUISSON, Séance de clôture du 25e congrès de la Ligue de l’enseignement du 1er novembre 1905, Éducation et République, introduction, présentation et notes de Pierre Hayat, Kimé, 2002, p. 310.

 

IV.8 – Laïcité et solidarité

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