V.2 – La charte de la laïcité à l’école

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Produite par la circulaire du 6 septembre 2013 du Ministre de l’Éducation nationale Vincent Peillon, la charte de la laïcité à l’École a été élaborée à l’intention des personnels, des élèves et de leurs parents. Elle explicite le sens et les enjeux du principe de laïcité, sa solidarité avec la liberté, l’égalité et la fraternité, dans la République et dans le cadre de l’École. La charte n’ajoute rien au droit. Mais elle est issue de textes constitutionnels, législatifs et réglementaires dont elle rappelle sous une forme ramassée et explicative les principes. Elle ne vise pas seulement à renseigner sur la laïcité. Elle a une valeur déclarative et prescriptive, et sa visée est pédagogique. Il est demandé aux professeurs de l’assumer et de l’assurer, et il est attendu des élèves qu’ils se l’approprient et qu’ils contribuent à la faire vivre par leurs réflexions et leurs activités. La charte de la laïcité n’est pas à inculquer mais à expliquer et à confronter au monde tel qu’il est et tel qu’il peut être.

Plus qu’un thème d’étude, la charte peut ainsi devenir un sujet d’étude, à partir duquel la laïcité est découverte et examinée. Il peut être montré par exemple que l’article 1 de la charte : « La France est une République indivisible, démocratique, laïque et sociale », reprend la définition constitutionnelle de la République française (voir texte I.5). L’histoire et les enjeux de cette définition peuvent alors être étudiés en classe.

Ce mode d’approche de la charte peut également conduire à une réflexion critique sur les finalités de l’école laïque et le sens de la présence des élèves et de leur professeur dans une salle de classe. Ainsi, le préambule de la charte qui énonce que « la Nation confie à l’École la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République », renvoie, sous réserve de deux modifications, à l’article 111.1 du code de l’éducation qui prévoit qu’« outre la transmission des connaissances, la Nation fixe comme mission première à l’école de faire partager aux élèves les valeurs de la République. » (Voir texte V.1.) La disparition de la référence à la transmission des connaissances peut être l’occasion de revenir sur l’enjeu décisif de cette transmission. Si l’on peut regretter l’omission dans la charte de cette mission essentielle de l’école, on notera cependant qu’elle trouve un écho à l’article 12 de la charte qui prévoit qu’aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique.

L’article 14 de la charte peut également être l’occasion d’une réflexion sur le statut intermédiaire de la laïcité scolaire, entre l’État et la société (voir texte II.11), puisqu’il reprend les termes de la loi du 15 mars 2004 interdisant le port de signes religieux ostensibles à l’école publique. Cette loi a été rendue nécessaire après l’entrée en vigueur de la loi Jospin du 10 juillet 1989. En effet, depuis 1945, les circulaires du ministre de l’Éducation nationale du Front populaire Jean Zay servaient jusque-là de référence réglementaire pour garantir la neutralité de l’école publique (voir texte IV.9). Mais la loi Jospin, qui prévoit que les élèves disposent de la liberté d’information et d’expression fut, aussitôt après son adoption, invoquée avec efficacité pour contester la neutralité scolaire, une circulaire ministérielle ayant une valeur juridique inférieure à celle d’une loi. Il s’ensuivit pendant plusieurs années, dans les établissements scolaires, une situation confuse, de neutralité à géométrie variable, préjudiciable au principe d’égalité et propice aux intimidations et aux déstabilisations. Sans contredire le principe général de liberté d’information et d’expression des élèves, la loi du 15 mars 2014 permet de clarifier le régime juridique des établissements scolaires publics en matière de manifestation par les élèves de signes d’appartenance religieuse. La loi du 15 mars 2004 fait notamment comprendre que dans tout État de droit, aucune liberté n’est absolue, et que dans un État laïque, la loi religieuse n’est pas supérieure à la loi civile. Sans doute y a-t-il lieu désormais d’enseigner la loi du 15 mars 2004 non en elle-même, mais en la replaçant dans le cadre de la charte de la laïcité à l’École, qui explique de façon positive ce que la laïcité apporte à tous les élèves de France.

 

La République est laïque. La Nation confie à l’École la mission de faire partager aux élèves les valeurs de la République.

1. La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi, sur l’ensemble de son territoire, de tous les citoyens. Elle respecte toutes les croyances.

2. La République laïque organise la séparation des religions et de l’État. L’État est neutre à l’égard des convictions religieuses ou spirituelles. Il n’y a pas de religion d’État.

3. La laïcité garantit la liberté de conscience à tous. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire. Elle permet la libre expression de ses convictions, dans le respect de celles d’autrui et dans les limites de l’ordre public.

4. La laïcité permet l’exercice de la citoyenneté, en conciliant la liberté de chacun avec l’égalité et la fraternité de tous dans le souci de l’intérêt général.

5. La République assure dans les établissements scolaires le respect de chacun de ces principes.

6. La laïcité de l’École offre aux élèves les conditions pour forger leur personnalité, exercer leur libre arbitre et faire l’apprentissage de la citoyenneté. Elle les protège de tout prosélytisme et de toute pression qui les empêcheraient de faire leurs propres choix.

7. La laïcité assure aux élèves l’accès à une culture commune et partagée.

8. La laïcité permet l’exercice de la liberté d’expression des élèves dans la limite du bon fonctionnement de l’École comme du respect des valeurs républicaines et du pluralisme des convictions.

9. La laïcité implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations, garantit l’égalité entre les filles et les garçons et repose sur une culture du respect et de la compréhension de l’autre.

10. Il appartient à tous les personnels de transmettre aux élèves le sens et la valeur de la laïcité, ainsi que des autres principes fondamentaux de la République. Ils veillent à leur application dans le cadre scolaire. Il leur revient de porter la présente charte à la connaissance des parents d’élèves.

11. Les personnels ont un devoir de stricte neutralité : ils ne doivent pas manifester leurs convictions politiques ou religieuses dans l’exercice de leurs fonctions.

12. Les enseignements sont laïques. Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est a priori exclu du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question au programme.

13. Nul ne peut se prévaloir de son appartenance religieuse pour refuser de se conformer aux règles applicables dans l’École de la République.

14. Dans les établissements scolaires publics, les règles de vie des différents espaces, précisées dans le règlement intérieur, sont respectueuses de la laïcité. Le port de signes ou tenues par lesquels les élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.

15. Par leurs réflexions et leurs activités, les élèves contribuent à faire vivre la laïcité au sein de leur établissement.

 

V.3 – La chance de vivre dans un pays laïque

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