Les professeurs ont reçu le 25 octobre un message du directeur de l’enseignement scolaire les invitant à participer à une vaste enquête menée dans le cadre de la mission « Exigence des savoirs ».
La mission rendra ses conclusions à fin du mois de novembre. On se demande bien comment celle-ci trouvera le temps de dépouiller les milliers de réponses qu’elle espère recevoir, de les synthétiser, d’« identifier les principales mesures à prendre pour rehausser le niveau scolaire des élèves » et de « proposer un plan d’action opérationnel pour les mettre en œuvre »1. Il y a fort à craindre qu’une consultation d’une telle ampleur et menée dans un délai aussi court soit une mascarade et le rapport final, déjà écrit.
Quand bien même la mission parviendrait à accomplir ce tour de force, on peut légitimement douter de ce qui sortira de cette enquête. Celle-ci se réduit en effet à dix questions donnant lieu à des réponses fermées, à l’exception de deux appelant des commentaires limités à 750 caractères.
Les solutions proposées pour aider les élèves à progresser portent exclusivement sur les « besoins de formation », « le matériel pédagogique » et la différenciation des enseignements. Aucune n’évoque les mesures à prendre pour lever ce qui fait réellement obstacle au progrès des élèves, en particulier des lycéens : la reconstitution de la classe comme unité de référence, la restructuration du lycée autour de filières pour mettre fin à la mise en concurrence des spécialités et au dumping par les notes, la baisse des effectifs, l’organisation régulière de devoirs sur table. Les solutions suggérées pour renforcer l’autorité des professeurs ne permettent pas d’identifier ce qui la mine réellement : les pressions sur l’évaluation induites par le contrôle continu et le dossier parcoursup, les injonctions à relever les notes des épreuves du baccalauréat ou encore la possibilité donnée à des commissions restreintes de modifier autoritairement les moyennes des correcteurs. Les réponses à la question « quelles actions souhaitez-vous développer pour améliorer la culture générale ? » sont dérisoires au regard de l’enjeu : « déployer le Pass culture à tous les niveaux de la scolarité », « développer les partenariats culturels locaux ». L’item « créer une discipline spécifique de culture générale » est inquiétant, voire malhonnête : le ministère a-t-il l’intention de créer une matière indistincte qui s’ajouterait aux disciplines enseignées ?
S’il est légitime que le ministère se préoccupe du niveau des élèves et réfléchisse aux moyens de le relever, l’Appep déplore la précipitation avec laquelle cette mission est menée. La question des exigences que l’école doit avoir vis-à-vis des élèves et des savoirs qu’elle doit leur transmettre pour qu’ils construisent leur autonomie est fondamentale. Elle mérite mieux qu’un questionnaire auquel on peut répondre « en quelques minutes ». Elle mérite mieux qu’« un plan d’action opérationnel », qui risque fort de se réduire à des recettes pédagogiques éculées.
L’Appep demande au ministère d’entendre les professeurs, en particulier les professeurs de philosophie, dont l’enseignement a été singulièrement dégradé par les dernières réformes.
Elle attend du ministère qu’il tire les conclusions de la contribution précise et détaillée qu’elle lui adressera dans les prochains jours.
Avec la Conférence des associations disciplinaires, elle appelle à la constitution d’états généraux du lycée. Contrairement à ce questionnaire aux réponses très orientées, ces états généraux seront l’occasion de tirer le bilan des politiques scolaires et de leurs conséquences sur le niveau des élèves. Ils permettront aux professeurs de formuler des constats et des propositions à partir de l’expérience qu’ils ont des classes.